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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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puantes, blaireaux pris au terrier, renards, putois, et
aussi les oiseaux morts, bien pourris, que l’on jetait dans le puits afin que
la pestilence qu’ils dégageaient infestât le peu d’air dont disposait le
prisonnier.
    — Voilà de la bonne venaison
pour le crétin ! disaient les trois tortionnaires, chaque matin, quand ils
voyaient arriver la cargaison de bêtes mortes.
    Eux-mêmes n’avaient pas le nez très
fin car ils se tenaient ensemble, ou à tour de rôle, dans une petite pièce en
haut de l’escalier du keep et qui commandait le réduit où s’anémiait le roi.
D’écœurantes bouffées venaient parfois jusqu’à eux ; mais c’était alors
l’occasion de grosses plaisanteries :
    — Ce qu’il peut puer, le
gâteux ! s’écriaient-ils en abattant leurs cornets à dés et en lampant
leurs pots de bière.
    Le jour où leur parvint la lettre
d’Adam Orleton, ils se concertèrent longuement. Le frère Guillaume leur avait
traduit la missive, sans hésiter le moins du monde sur son sens véritable, mais
en leur faisant apprécier l’habile ambiguïté de la rédaction. Les trois
méchants s’en étaient frappé les cuisses pendant un quart d’heure, en
répétant : « bonum est… bonum est ! » et en se tordant de
rire.
    Le chevaucheur un peu obtus qu’on
leur avait dépêché avait fidèlement délivré son message oral : « Sans
traces. »
    C’était là-dessus précisément qu’ils
se consultaient.
    — Ils ont vraiment d’étranges
exigences, les gens de la cour, évêques et autres Lords ! dit Maltravers.
Ils vous commandent de tuer et que cela ne se voie pas.
    Comment procéder ? Le poison
laissait les corps noirs ; et puis le poison, il fallait s’en fournir
auprès de gens qui pouvaient parler. La strangulation ? La marque du lacet
demeure autour du cou, et la face reste toute bleue.
    Ce fut Ogle, l’ancien barbier de la
tour de Londres, qui eut le trait de génie. Thomas Gournay apporta au plan
proposé quelques perfectionnements ; et Maltravers rit bien fort,
découvrant les gencives en même temps que les dents.
    — Il sera puni par où il a
péché ! s’écria-t-il.
    L’idée lui semblait vraiment
astucieuse.
    — Mais il nous faudra bien être
quatre, pour le moins, dit Gournay. Berkeley devra nous prêter la main.
    — Ah ! tu sais comment est
mon beau-frère Thomas, répondit Maltravers. Il touche ses cinq livres la
journée, mais il a le cœur sensible. Il serait plus gênant qu’utile.
    — Le gros Towurlee, pour la
promesse de quelques shillings, nous aidera volontiers, dit Ogle. Et puis il
est si bête que, même s’il parle, personne ne le croira.
    On attendit le soir. Gournay fit
préparer aux cuisines un excellent repas pour le prisonnier, avec un pâté
moelleux, de petits oiseaux rôtis sur broche, une queue de bœuf en sauce.
Édouard n’avait pas fait pareil souper depuis les soirées de Kenilworth, chez
son cousin Tors-Col. Il fut tout étonné, un peu inquiet d’abord, puis
réconforté, par cette chère inhabituelle. Au lieu de lui jeter une écuelle
qu’il devait loger au bord de la fosse puante, on l’avait installé dans la
pièce attenante, sur une escabelle, ce qui lui semblait un confort
miraculeux ; et il dégustait ces mets dont il avait presque oublié le
goût. On ne lui ménageait pas le vin non plus, un bon vin claret que Thomas de
Berkeley faisait venir d’Aquitaine. Les trois geôliers assistaient à cette
ripaille en échangeant des clins d’œil.
    — Il n’aura même pas le temps
de le digérer, souffla Maltravers à Gournay.
    Le colosse Towurlee se tenait dans
la porte qu’il obstruait complètement.
    — Voilà, on se sent mieux à
présent, n’est-il pas vrai, my Lord, dit Gournay quand l’ancien souverain eut
terminé son repas. Maintenant on va te conduire dans une bonne chambre où tu
trouveras un lit de plumes.
    Le prisonnier au crâne rasé, au long
menton tremblant, regarda ses gardiens avec surprise.
    — Vous avez reçu de nouveaux
ordres ? demanda-t-il.
    Son ton était plein d’humilité
craintive.
    — Ah oui ! pour sûr, on a
reçu des ordres et l’on va bien te traiter, my Lord ! répondit Maltravers.
On t’a même commandé du feu, là où tu vas dormir, parce que les soirées
commencent à fraîchir, n’est-ce pas Gournay ? Eh ! c’est la saison
qui le veut ; on est déjà fin septembre.
    On fit descendre au roi l’étroit
escalier, puis traverser la cour herbue du

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