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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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pape…
pour un quart, avec les Bardi, mais enfin ce quart-là est déjà gros ! Et
si le pape s’appauvrissait par trop…
    D’Artois, qui prenait une bonne
lampée d’hypocras, pouffa dans son gobelet d’argent et fit signe qu’il
s’étranglait.
    — S’appauvrir, le Très
Saint-Père ? s’écria-t-il quand il eut avalé. Mais il est riche à
centaines de milliers de florins. Ah ! voilà un homme qui vous en
remontrerait, Spinello ; quel grand banquier il eût fait, s’il n’était
entré en clergie ! Car il a trouvé le Trésor papal plus vide que ne
l’était ma poche, il y a six ans…
    — Je sais, je sais, murmura
Tolomei.
    — C’est que les curés,
voyez-vous, sont les meilleurs collecteurs d’impôts que Dieu ait jamais mis sur
terre, et c’est bien ce qu’a compris Monseigneur de Valois. Au lieu de forcer
les tailles, dont les receveurs sont détestés, on fait quêter par les curés et
l’on recueille la dîme. On se croisera, on se croisera… un jour ! En
attendant, c’est le pape qui paye, sur la tonte des ouailles.
    Tolomei se frottait la jambe droite,
doucement ; depuis quelque temps, il éprouvait une sensation de froid dans
cette jambe-là, et quelques douleurs aussi en marchant.
    — Vous disiez donc,
Monseigneur, qu’il y a eu Conseil ce matin. Y a-t-on pris ordonnances de grand
intérêt ? demanda-t-il.
    — Oh ! comme de coutume.
On a débattu du prix des chandelles et défendu de mêler le suif à la cire, comme
aussi de brasser les vieilles confitures avec les nouvelles. Pour toutes
marchandises vendues en enveloppes, le poids des sacs devra être déduit et non
compté dans le prix ; ceci pour complaire au commun peuple, et lui montrer
qu’on s’occupe de lui.
    Tolomei, tout en écoutant, observait
ses deux visiteurs. Ils lui paraissaient l’un et l’autre très jeunes ;
Robert d’Artois avait combien ? Trente-cinq, trente-six ans… et l’Anglais
n’en montrait guère plus. Tous les hommes au-dessous de la soixantaine lui semblaient
étonnamment jeunes ! Combien de choses encore ils avaient à faire, combien
d’émois à ressentir, de combats à livrer, d’espoirs à poursuivre, et combien de
matins à connaître que lui ne connaîtrait pas ! Combien de fois ces deux
hommes-là se réveilleraient, respireraient l’air d’un jour neuf quand lui-même
serait sous terre !
    Et quel genre de personnage était
Lord Mortimer ? Ce visage bien taillé, aux sourcils épais, ces paupières
coupées droit sur des yeux couleur de pierre, et puis le vêtement sombre, la
façon de croiser les bras, l’assurance hautaine, silencieuse d’un homme qui a
été au faîte de la puissance et qui tient à conserver toute sa dignité dans
l’exil, ce geste même, machinal, que Mortimer avait pour passer le doigt sur la
courte cicatrice blanche qui lui marquait la lèvre, tout plaisait au vieux
Siennois. Et Tolomei eut envie que ce seigneur-là redevînt heureux ! Il
venait à Tolomei, depuis quelque temps, le goût de penser aux autres.
    — L’ordonnance sur la sortie
des monnaies, demanda-t-il, doit-elle être prochainement promulguée,
Monseigneur ?
    Robert d’Artois eut une hésitation à
répondre.
    — À moins, peut-être, que vous
n’en soyez pas averti… ajouta Tolomei.
    — Mais certes, certes, j’en
suis averti. Vous savez bien que rien ne se fait sans que le roi, et surtout
Monseigneur de Valois, ne requièrent mon conseil. L’ordonnance sera scellée
dans deux jours : nul ne pourra porter hors du royaume monnaie d’or ou
d’argent frappée au coin de France. Les pèlerins seuls pourront se munir de quelques
petits tournois.
    Le banquier feignit de ne pas
attacher plus d’importance à cette nouvelle qu’au prix des chandelles ou aux
mélanges de confitures. Mais déjà il avait pensé : « Donc les
monnaies étrangères seront seules admises à sortir du royaume ; donc elles
vont croître de valeur… De quelle aide, dans notre métier, nous sont les
bavards, et comme les vantards nous offrent pour rien ce qu’ils pourraient nous
vendre si cher ! »
    — Ainsi, my Lord, reprit-il, en
se tournant vers Mortimer, vous comptez donc vous établir en France ?
Qu’attendez-vous de moi ?
    Ce fut Robert qui répondit :
    — Ce qu’il faut à un grand
seigneur pour tenir son rang. Vous avez assez l’habitude, Tolomei !
    Le banquier agita une clochette. Au
valet qui entra, il demanda son grand livre, et ajouta :
    — Si messer

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