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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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J’eus tort. Son sang pourri m’éclaboussa et souilla ma cotte d’armes.
     
    Je n’eus pas à abattre les deux joueurs de dés. Ébaudis, ils prirent mesure de la situation. Trop tard. En deux mouvements, Foulques de Montfort les avait fait passer de vie à trépas, ouvrant le crâne de l’un d’eux jusqu’à la poitrine, passant son épée à travers le cœur de l’autre, sous l’œil admiratif de nos écuyers qui avaient surgi sur le seuil de la porte.
    Nous ne portions ni cuirasse, ni heaume, ni armure de plattes. Les routiers non plus.

    Entre-temps, leur bride avait été décharpie par un échelon de cavalerie organisé à la hâte par Jean de Ribeaupierre et Guillaume de Girsberg. Quelques-uns avaient tenté de fuir leur châtiment. Ils furent capturés et rassemblés sur la place du village, leurs armes mises en tas. Ils furent pendus les uns après les autres sur des gibets de fortune, à la sortie du hameau, offerts en pâture aux charognards.
    Les villageois blessés furent pansés ou conduits sur des charrois vers l’abbaye d’Ebersmunster qui ferait office d’hospice. Làs, peu d’habitants pourraient faire deuil de la perte de leurs proches. Peu d’habitants, car peu de survivants à cette sinistre chevauchée. Ne restaient que vignes arrachées, paysans et manants morts ou navrés, masures calcinées, fumées épaisses, volailles mutilées. Et charognards repus.
     
    Le corps de notre écuyer fut accueilli le jour même, contrairement à la tradition, dans le cimetière de Rorswilr où une croix de bois gravée par nos soins à ses initiales lui rendit un dernier hommage pour son éphémère et bien triste passage ici-bas.
    La jeune fille qui avait échappé de bien peu à la sauvagerie des rustres fut confiée à la garde de saint Michel et au curé de la paroisse. Son regard bleu était brouillé par un voile d’hébétude, son corps parcouru de spasmes. Nous ne connûmes pas son nom, mais nous fûmes rassurés en apprenant que, devenue orpheline, elle serait conduite dès le lendemain au couvent de Silo, près la ville de Sélestat.
    Puisse-t-elle recouvrer, dans la paix de Dieu, les soins que nécessitaient ses membres écartelés et son esprit en grand désarroi.
    Le curé s’acquittait ainsi de la mission de charité qui lui incombait en contrepartie des redevances qu’il percevait, retenue faite de la dîme qu’il devait verser à l’évêque de Bâle…

    Peu après none, nous escaladâmes au pas la route qui menait au château de Kœnigsbourg. Le chevalier teutonique, Wilhelm von Forstner, nous avait dit que nous serions accueillis à bras ouverts. Nous pourrions y jouir, du haut des remparts, d’une vue magnifique sur la vaste plaine d’Alsace. Au soleil couchant, nous avait-il recommandé.
    Nous gravîmes d’abord des versants couverts de vignobles où poussaient ici et là des châtaigniers, des amandiers, des pêchers de vigne. Puis d’étroits sentiers bordés de chênes, de hêtres et de sapins, dans une végétation de plus en plus dense, mouchetée de jaune, d’ocre, de rouge ou du vert sombre et odorant des résineux.
    Après deux heures de grimpette, les chevaux tenus par la bride, nous longeâmes à pied une imposante courtine coiffée, le long d’un fossé taillé dans la montagne, une tour de défense avancée, des lices et de hautes enceintes flanquées par une seconde et imposante tour, jusqu’à parvenir à deux autres tours de flanquement qui contrôlaient une poterne dans l’angle du chemin de ronde, au sud.
    Nous sonnâmes du cor et martelâmes le heurtoir, jusqu’à ce qu’un huis soit déloqué. L’on nous interrogea dans une langue germanique sur le but de notre visite.
    En guise de réponse, je brandis le sauf allant et venant qui portait le sceau et le seing de Winrich von Kniprode, le grand maître de l’Ordre de Sainte-Marie des Allemands.
    Nous dûmes patienter un long moment avant qu’un garde ne baillât le passage pour nous laisser passer dans une cour devant laquelle se dressait la porte principale qui commandait l’accès à l’intérieur de la place forte. Je remarquai l’épaisseur des murs, qui devait bien atteindre les vingt pieds.
    Quatre gardes apostés, casqués, épée au côté et guisarmes au poing, arboraient sur leur cotte les armes écartelées des Hohenstein et des ducs de Lorraine.
    Le vantail de la porte était bardé de fers forgés et de gros clous de girofle capables, en cas d’attaque, de résister à des

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