La malediction de la galigai
aujourd'hui pour être à Paris mercredi.
â Voilà une bonne nouvelle pour les Parisiens, approuva Fronsac. Mais rassurez-vous, madame, les tracas qu'a connus monsieur de Tilly n'ont aucun lien avec le retour de Sa Majesté.
Il s'adressa à Ménage :
â Monsieur le coadjuteur s'inquiétait donc pour mon ami Gaston ?
â Il m'en a parlé hier. Il avait entendu dire qu'à la prévôté de l'Hôtel, on était surpris de son absence inexplicable. Que, chez lui, personne ne savait rien et que son épouse était partie hâtivement à Mercy.
â Nous l'avons ramenée, répondit sobrement Fronsac.
Un silence s'installa. Après la question de Ménage, Louis hésitait finalement à parler devant le secrétaire du coadjuteur, se demandant s'il n'y avait pas une raison cachée à l'intérêt de Gondi envers Gaston.
â Moi qui me plaignais amèrement de l'abandon dans lequel on me laissait, intervint la marquise dans un petit rire. Je reçois aujourd'hui mes trois plus fidèles soutiens. Il ne manque que Vincent, ajouta-t-elle subitement, le visage décomposé.
â Il est avec nous de cÅur, répliqua Tallemant afin d'éviter que le silence ne réapparaisse. Louis, je venais demander à Madame de Rambouillet de me confier les écrits de Vincent qu'elle possède. Je souhaite les publier et Ménage m'a approuvé.
â C'est une excellente idée ! s'exclama Fronsac.
Le banquier se leva.
â Madame, je dois vous laisser. On m'attend à la banque et je crois que monsieur le marquis a quelques confidences à vous accorder.
Même s'il n'avait pas de manières, Ménage se leva aussi.
â Monsieur le coadjuteur sera heureux de vous revoir, monsieur le marquis, ainsi que monsieur de Tilly, fit-il courtoisement.
â Nous irons le voir, promis. Mais restez encore un instant mes amis, dit Louis, touché finalement par leur discrétion. Je m'intéresse en ce moment au maréchal d'Ancre et j'avais pensé Madame la marquise capable de me renseigner. Sans doute pourrez-vous m'aider aussi.
â Monsieur Tallemant est certainement celui, ici, qui en sait le plus, répondit vaguement Mme de Rambouillet.
Fronsac se tourna vers le banquier, interrogateur.
â Que puis-je t'apprendre ? Il était florentin et se nommait Conchini. Dans sa jeunesse, il s'était adonné à toutes les débauches imaginables et rendu si infâme que la première chose que les pères défendaient à leurs enfants, c'était de hanter Conchini ! Il s'est attaché à Léonora Galigaï, amie et dame de la reine, et eut avec elle tant de petits soins qu'elle l'a épousé. Henry IV assassiné, Léonora et lui se mirent si bien avec sa veuve que cette princesse leur laissa faire tout ce qu'ils voulurent.
â Quel genre de caractère avait-il ?
â C'était un homme d'esprit capable d'une immense insolence quand il se sentait fort. Il méprisait les princes et, en cela, n'avait pas grand tort. Il aurait pu être magnifique s'il n'avait été poltron.
â Poltron ? On m'a décrit ses vices mais pas celui-là .
â Laisse-moi te raconter une histoire : un jour, il eut une violente querelle avec monsieur de Bellegarde au sujet de la reine mère. Terrorisé à l'idée de se battre, il s'est sauvé jusqu'ici pour se cacherâ¦
â Jusqu'ici ? s'étonna Louis.
â Je m'en souviens encore, intervint la marquise en riant. C'était en 1611. Il était monté jusqu'au second étage et s'était fait enlever sa fraise par une domestique ayant appartenu à sa femme. Quand je le vis, son visage était extraordinairement pâle ; il me confia quitter sa fraise pour n'être point reconnu par ceux qui le pourchassaient.
â Concini venait-il souvent ?
â Bien sûr ! Mon époux le marquis se trouvait à son service. D'ailleurs, après cette querelle, c'est lui qui l'a accommodé avec Bellegarde en leur assurant impossible pour des personnes de leur condition de tirer l'épée.
â Croyez-vous que je pourrais interroger monsieur le marquis ? osa Fronsac.
â Mon époux est sourd, presque aveugle et n'a plus sa tête, vous n'en tireriez rien. Et puis, il n'aime guère parler du
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