La malediction de la galigai
serviteur réservé et respectueux. Il portait pourtant épée à l'instar de son maître.
â Corbleu ! Quel plaisir de vous revoir mes amis ! Je suis confus de me présenter à cette heure, mais je dois assurer mon service auprès de Monsieur le prince, même s'il ne m'apprécie plus guère. J'aurais voulu venir plus vite, mais il a exigé que je reste près de lui hier et avant-hier, quand Sa Majesté a reçu le duc de Beaufort, les cours souveraines et Mgr le coadjuteur. Je ne resterai guère, car il doit déjà me demander !
â Je vous ai aperçu mercredi avec les chevau-légers, lui dit Fronsac, tandis qu'Armande faisait entrer les deux visiteurs dans la bibliothèque où ils prirent l'un un fauteuil, l'autre un tabouret.
â Le Prince est un maître exigeant, confirma Gaston qui avait été sous ses ordres.
â Je crois vous l'avoir dit, Son Altesse veut donner ma lieutenance à Guitaut mais je refuse de la vendre. Il est donc fâché contre moi et m'inflige toutes sortes de vexations. En même temps, il exige de m'avoir près de lui, comme tous ses officiers, pour montrer sa puissance à Son Ãminence qui ne veut toujours pas donner Pont-de-l'Arche à monsieur de Longueville !
» Quand j'étais en Bourgogne, il a même réclamé que je sois présent à Dijon. Par bonheur, cela ne m'a pas trop contrarié car j'ai eu la chance de rencontrer la fille du premier président, une demoiselle si charmante et si riche que j'ai même songé à l'épouser. J'y serai parvenu si, au bout des trois semaines, quelqu'un n'avait pas ruiné mon affaire. Après cela, mes relations avec le Prince sont devenues si mauvaises que, sans des amis m'ayant persuadé de ne rien faire, j'aurais accepté de rendre ma charge.
Louis souriait, tant Bussy pouvait être un intarissable bavard !
â Beaucoup pensaient ici que Monsieur le Prince ne viendrait pas lors du retour du roi, commenta Tilly.
â Condé a jugé avoir assez puni le Mazarin en refusant de commander une armée cette année et en restant dans son gouvernement de Bourgogne. Mais le cardinal l'a tant et tant supplié, lui promettant de grands honneurs et lui proposant d'être dans le carrosse avec le roi, qu'il s'est laissé fléchir. De surcroît, le Mazarin lui fait miroiter la charge d'amiral qu'il a déjà promise à monsieur de Vendôme pour le mariage de mademoiselle Mancini avec monsieur de MercÅur !
Bussy soupira, l'Åil ironique.
â Le Prince est un homme à se repaître de vent !
Pendant que Bussy parlait ainsi, Louis observait son compagnon en train d'écouter attentivement son maître.
â Mais je ne fais que parler comme une vieille femme ! lança brusquement le comte dans un éclat de rire, alors que j'ai amené mon fidèle Corbinelli. Je ne sais ce que vous lui voulez, ami Fronsac, mais sachez que c'est un gentilhomme d'esprit et de mérite. Son père, malheureusement engagé d'amitié avec le maréchal d'Ancre, l'a laissé sans bien, et j'ai été assez heureux pour me l'attacher.
â Monsieur le comte est trop bon, fit Corbinelli, le visage tout rouge.
â C'est justement au sujet du maréchal d'Ancre que je souhaite poser quelques questions à monsieur Corbinelli, avança Louis.
Levant haut ses sourcils, le secrétaire ne cacha pas sa surprise.
â Laissez-moi vous en dire en plus, monsieur. Gaston enquête sur une tragique affaire⦠la mort de ses parents⦠Il préfère donc que ce soit moi qui vous en parleâ¦
Bussy changea d'expression, devenant soudain sérieux.
â C'était dix jours avant celle du maréchal d'Ancre. Le père de Gaston, lieutenant des maréchaux de Rouen, enquêtait sur un vol auquel Concini aurait été lié. Gaston a retrouvé un mémoire dans lequel son père nommait plusieurs de ceux qui auraient participé à ce vol. Il est possible que l'un d'eux l'ait assassiné.
â Vous avez dit : ses parents⦠remarqua Bussy.
â Ce fut un accident de voiture, certainement contrefait ou provoqué. La mère de Gaston est aussi décédée dans ce malheur.
â Que voulez-vous savoir, monsieur de Tilly ? interrogea Corbinelli.
â Votre père connaissait-il un
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