La malediction de la galigai
laissé trois pains et deux cruchons d'eau. Puis ils sont partis.
â Et depuis ?
â Rien ! Cela fait des jours que je n'ai pas mangé. Je n'avais plus d'eau. Je léchais l'humidité des murs.
â Pourquoi vous enfermer et vous laisser ainsi mourir ? s'étonna Tilly.
â Sans doute avaient-ils prévu de revenir, mais avec ta libération, Gaston, ils ont pris peur.
â De quoi parlez-vous ? Je ne comprends pas, les interrompit Thibault.
â Nous allons vous raconter. Auparavant, dites-nous : ont-ils raconté pourquoi ils vous conduisaient ici ?
â Non, mais ils ne m'avaient pas bouché les oreilles ! Le blessé n'était pas d'accord avec Charles Mondreville, expliquant qu'il aurait mieux valu me jeter dans un fourré après m'avoir coupé la gorge, que c'était dangereux d'aller à Paris avec un prisonnier. Mondreville a répondu qu'il ne changerait pas ses plans, ne voulait pas seulement me tuer mais qu'elle soit au désespoir de m'avoir aimé. Qu'il fallait qu'on retrouve mon corps seulement après le vol afin que la justice soit persuadée que j'étais le voleur.
Thibault s'arrêta un instant pour reprendre son souffle.
â Vous nous relaterez la suite en arrivant, proposa Gaston.
â Non, je ne suis pas si faible ! Mondreville a ajouté : « Quand elle apprendra qu'il n'était qu'un maraud, elle jugera comme un affront insupportable d'avoir écouté ses mensonges. Elle éprouvera une haine infinie envers lui et, par dépit, elle m'aimera et m'épousera. »
» Je suis sûr qu'il parlait d'Anaïs. J'ignore comment vous la connaissez mais il la courtise aussi. Il a ensuite rassuré son compagnon, lui précisant qu'il connaissait la maison et en avait les clefs, affirmant qu'ils seraient de retour à la nuit et que personne ne se douterait de rien. Il a ajouté que la découverte de mon corps après le vol entraînerait la justice dans une mauvaise direction.
â Un vol ? répéta Louis, intrigué. Mais quel vol ?
â Je ne sais.
â Ce Mondreville est pire que son père pour échafauder un procédé si tortueux, remarqua Tilly. Vous n'avez rien remarqué sur vos autres agresseurs ? Mondreville les a-t-il nommés ?
â Il n'y a pas eu de nom. Je sais seulement que l'un était blessé.
â Pichon était blessé, Gaston.
â J'ai rencontré un nommé Pichon de La Charbonnière, un jour où je voulais me battre avec Mondreville, intervint Richebourg. Il m'en a empêché.
â C'est certainement lui, dit Tilly. Je vais le retrouver, soyez-en certain.
Il expliqua ensuite à Richebourg comment il avait été enfermé par Mondreville père, certainement l'assassin de ses parents. Puis de quelle manière Fronsac avait découvert son emprisonnement en interrogeant Charles Mondreville, après être allé dans son château de Richebourg. Enfin il raconta sa rencontre avec Anaïs Moulin Lecomte, et lui annonça qu'ils allaient la rejoindre.
Durant tout ce temps, Louis resta silencieux.
*
Chez Gaston, ils durent aider Richebourg à monter l'escalier. Mais devant la porte, il se dégagea, ne voulant pas apparaître affaibli devant celle qu'il aimait.
Gaston tira le cordon et François vint ouvrir. Anaïs attendait. Découvrant Thibault, elle se jeta dans ses bras avec tant de violence qu'il chancela.
â Attention, mademoiselle, monsieur de Richebourg vient de passer deux semaines dans d'atroces conditions. Il faut qu'il s'assoie, boive et mange, la prévint Louis en riant.
On poussa un fauteuil où, moitié soutenu, moitié porté, Thibault fut installé. Armande lui servit à boire, tandis que François partait chercher des charcutailles et du pain.
Pour éviter qu'il ne se fatigue, ce furent Gaston et Louis qui racontèrent leur expédition. Ses mains dans celles du jeune homme, Anaïs ne les interrompit guère, sinon pour marquer son horreur en prenant connaissance du plan infâme du fils Mondreville.
â Mademoiselle, lui déclara enfin Louis, vous rentrerez demain chez vous. Friedrich Bauer escortera votre carrosse. Vous raconterez tout à vos parents. Ne retournez plus à Longnes. Il ne faut pas que Mondreville puisse vous approcher.
â Mais mon
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