La malediction de la galigai
parrainâ¦
â Vous donnerez une lettre au valet qui vous accompagne expliquant que vous êtes passé voir Gaston, rien de plus. Vous ne révélerez quoi que ce soit sur monsieur de Richebourg. Je vous dois la vérité, mademoiselle : je ne sais encore le rôle joué par monsieur Bréval dans cette infâme entreprise, mais sachez que la maison où a été enfermé Richebourg lui appartient.
â Ce n'est pas possible ! balbutia-t-elle en portant une main à sa bouche.
â J'ai toujours considéré Bréval comme un honnête homme, protesta Thibault, même s'il ne m'aimait pas.
â Il est possible que Charles Mondreville lui ait seulement emprunté les clefs, suggéra Louis.
â Nous tirerons cela au clair, conclut Gaston. Grâce à vous, monsieur de Richebourg, nous savons que le jeune Mondreville et ses amis préparent un vol. Son père est-il averti ? Bréval complice ? à nous de le découvrir.
â Après notre départ, avez-vous revu Pichon de La Charbonnière et ses amis ? demanda Louis à Anaïs.
â Non, monsieur Bréval m'a dit qu'ils étaient partis.
Ni Gaston ni Louis n'avaient évoqué l'affaire de 1617, ne jugeant pas utile que les jeunes gens en soient informés. Apparemment, Bréval n'avait rien dit à sa filleule de ce que Gaston lui avait appris.
â Quant à vous, monsieur de Richebourg, restez quelques jours chez moi, conseilla Louis. Mes domestiques trouveront de quoi vous habiller. Vous vous reposerez et reprendrez des forces.
â J'aurais voulu raccompagner mademoiselle, dit-il.
â Surtout pas ! Mondreville et ses amis doivent vous croire mort. La partie ne fait que commencer. J'ai aussi à vous remettre quelque chose auquel vous tenez.
â Quoi donc ?
â L'épée des Richebourg.
31
L e lundi 23 août, Gaston de Tilly put enfin rencontrer le chancelier Séguier revenu dans sa maison de la rue du Bouloi. Il lui raconta son emprisonnement et sa délivrance, lui parla du vol de 1617 (sans donner de détails afin de ne point embarrasser le prévôt de Vernon) et de la mort de ses parents, mais ne dit mot sur Richebourg et les trois faquins Pichon, Canto et Sociendo.
En lui remettant un mémoire sur l'affaire, il suggéra que le Grand Conseil décrète une prise de corps de Jacques Mondreville et lui confie une lettre pareatis 1 pour qu'il soit chargé de l'arrestation.
â Ainsi je mettrai les prévôts de Vernon et de Mantes sous mes ordres. Nous ferons le siège de la maison de Mondreville et le saisirons. Après quoi, je le ramènerai à Paris où il sera interrogé.
â Je préfère demander conseil à monseigneur, tergiversa Séguier, visiblement embarrassé. Certes, ce Mondreville doit recevoir son châtiment, mais soyez patient. En ce moment, Son Ãminence négocie âprement avec Monsieur le Prince au sujet de Pont-de-l'Arche ; et Mondreville est l'homme lige du duc. Une telle opération de police pourrait provoquer l'ire du duc et entraîner Condé dans une rébellion ouverte. De plus, comme chancelier, je ne suis pas le mieux placé pour prononcer une sentence et la faire exécuter en Normandie. Vous devinez pourquoiâ¦
Dix ans plus tôt en effet, après avoir, à plusieurs reprises, augmenté les impôts de la Normandie, la province la plus riche du royaume, Richelieu avait décidé de supprimer plusieurs privilèges sur la gabelle. Ce nouvel alourdissement de taxes n'avait pas été accepté. Un collecteur d'impôts avait été assassiné et la province entière s'était soulevée, arguant de ses anciens droits à lever elle-même l'impôt.
La répression de Richelieu s'était montrée d'une férocité effroyable. Pour réduire la jacquerie, il avait envoyé Jean de Gassion 2 et ses troupes, lesquelles avaient traité la province comme prise de guerre. Ensuite, les châtiments avaient été confiés à Séguier. Sans juge ni assesseur, sans avoir vu ou ouï les accusés, celui-ci avait condamné les séditieux capturés à de telles tortures que Michel Le Tellier, alors commissaire chargé de recueillir les aveux, avait dû quitter la salle d'interrogatoire, incapable de supporter les hurlements des
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