La malediction de la galigai
Sociendo, agents à brevet à la solde de Mazarin !
Le coadjuteur parvint à poursuivre :
â ⦠Jugez, s'il vous plaît, de leur témoignage par leurs étiquettes et par leur profession, qui est de filous avérés. Ce n'est pas tout, messieurs, ils ont une autre qualité, qui est bien plus relevée et bien plus rare : ils sont témoins à brevet. Je suis au désespoir que la défense de notre honneur, qui nous est commandée par toutes les lois divines et humaines, m'oblige de mettre au jour, sous le plus innocent des rois, ce que les siècles les plus corrompus ont détesté dans les plus grands égarements des anciens empereurs. Oui, messieurs, Pichon, Canto, Sociendo ont des brevets pour nous accuser. Ces brevets sont signés de l'auguste nom qui ne devrait être employé que pour consacrer encore davantage les lois les plus saintes. Monsieur le cardinal Mazarin, qui ne reconnaît que celle de la vengeance qu'il médite contre les défenseurs de la liberté publique, a forcé monsieur Le Tellier, secrétaire d'Ãtat, à contresigner ces infâmes brevets.
De nouveau le tumulte fut indescriptible et le coadjuteur sut qu'il avait gagné quand il vit le premier président prendre sa longue barbe avec la main, signe qu'il se mettait en colère.
Effectivement, à la fin de la plaidoirie, il demanda au duc, au coadjuteur et à Broussel de sortir, car ils étaient des accusés et ne pouvaient participer au vote qui allait suivre. Broussel protesta en récusant M. Molé, homme de la Cour, et demanda un premier vote sur leur exclusion des débats.
Ce vote fut défavorable aux trois hommes, mais à une faible majorité. La séance se poursuivit jusqu'en fin de soirée, mais tant de conseillers et de ducs et pairs étaient indignés par les faux témoignages que tout risque d'arrestation se voyait désormais écarté.
*
Quand Beaufort et Gondi quittèrent le Palais de Justice, tout Paris savait que leurs accusateurs n'étaient que de vils truands méritant la corde au service du cardinal Mazarin. Le coadjuteur apparaissait dès lors victime d'une manipulation conduite par des hommes corrompus. C'était aussi faux que les raisons pour lesquelles on avait accusé Beaufort et Gondi, mais c'était ce que beaucoup voulaient entendre.
Une immense foule venue de tous les quartiers de la ville se pressait dans les galeries et la cour de Mai lorsque les deux accusés sortirent de la Grand'Chambre. Les vivats, les Vive Beaufort ! , Vive le coadjuteur ! raisonnaient partout. En revanche, quand le prince de Condé sortit à son tour, personne ne l'acclama.
Le coadjuteur avait reconquis sa popularité et Louis de Bourbon devenait le grand perdant de la journée.
C'est en descendant les marches du Palais que Paul de Gondi, serré par ses fidèles, aperçut Louis Fronsac et Gaston de Tilly. Il s'écarta de ses proches et se dirigea vers ses anciens amis.
Devant tout le monde, il les accola et glissa à l'oreille de Fronsac :
â Pardonne-moi, Louis, d'avoir douté de toi. Je sais désormais que je te dois la vie et la liberté.
Avec Beaufort et ses amis frondeurs, le coadjuteur partit dîner au petit archevêché où ils eurent du mal à entrer à cause de la foule qui se pressait pour les acclamer. Sur les onze heures du soir, ils apprirent que, sur décision du Palais-Royal, les chambres ne s'assembleraient pas le lendemain. En vérité, le procès était suspendu.
Malgré cela, dès le lendemain, Broussel attaqua le premier président en récusation et les avocats généraux confirmèrent qu'ils jugeaient la réquisition du procureur général ridicule.
Dès lors, la procédure s'enlisa même si Gondi, par prudence, avait rassemblé une petite armée de gentilshommes chargés de le protéger d'un coup de force de la Cour. Sur ce point, il se trompait. Il n'y eut pas de réplique de la part de Mazarin. Bien au contraire même.
En effet, le jour de Noël, après le prêche que prononça le coadjuteur dans l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, il eut la surprise d'apercevoir la duchesse de Chevreuse et sa fille venir le saluer.
â Voilà un beau sermon, lui déclara Mlle de Chevreuse, laquelle était devenue depuis peu sa maîtresse.
â Nous avons
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