La malediction de la galigai
remettre une liste de ceux qui approchaient le jeune souverain et avait prévenu qu'il ferait exiler ou emprisonner ceux qui lui déplaisaient. à cette occasion, il avait d'ailleurs déclaré au grand fauconnier de France : M. de Luynes, je m'aperçois bien que le roi ne me fait pas bonne mine, mais vous m'en répondrez !
Des menaces, Concini était rapidement passé aux actes : en février, un des hommes de la garde écossaise, chargée de la protection des souverains, avait été décapité devant le Louvre pour avoir transmis un message aux princes rebelles. En mars, un seigneur normand s'étant rapproché des mêmes princes, avait été exécuté devant la Croix-du-Trahoir, rue Saint-Honoré. Et comme ces avertissements n'étaient peut-être pas suffisants, Concini avait annoncé qu'il allait resserrer le jeune roi, en somme lui interdire de quitter Paris et restreindre ses sorties du Louvre qui se limiteraient désormais à la promenade des Tuileries.
Le fils de Henri IV était donc devenu le prisonnier du travesti italien. Sa vie se trouvait-elle en danger ? comme le lui affirmait Luynes. Concini caressait-il le projet de le détrôner et de mettre son frère Gaston à sa place afin de disposer du temps d'une nouvelle régence ? C'était bien possible.
Maître de l'esprit inquiet et maladif de Louis XIII, Luynes lui conseillait de fuir le palais pendant qu'il était temps. Depuis des semaines, le roi tenait des conciliabules nocturnes et secrets avec son fauconnier et quelques fidèles, pour décider ce qu'il devait faire.
Dès lors, la lettre de Sully précipitait les choses. Concini serait passé à l'action ! Il avait volé un million à la Couronne et assassiné un prévôt royal ! S'efforçant de garder un visage impassible, Louis XIII replia les feuillets et dit à Luynes en bégayant, comme cela lui arrivait quand il était ému :
â Ce ce ce soir, ppppréviens nos amis, nous nous réunirons ddddan s ta chambre aux Tuileries.
*
Ils se retrouvèrent à huit. Avec Luynes, son frère et des amis du grand fauconnier : Guichard Déageant, le baron de Modène, Louis Tronson, un jardinier et un soldat aux gardes.
Le frère de Luynes, Honoré d'Albert, seigneur de Cadenet, était un homme d'action doté d'un tempérament brutal 1 . Guichard Déageant, commis au contrôle des Finances et proche du surintendant, avait pour ambition d'accéder à un rôle dans l'Ãtat quand Louis XIII exercerait le pouvoir. Pour y parvenir, il répétait à Luynes tout ce qu'il entendait dans les conseils. Le baron de Modène était, de son côté, un cousin du grand fauconnier. Quant à Louis Tronson, fils d'un maître des requêtes et petit-fils d'un prévôt des marchands de Paris, le roi l'appréciait pour ses jugements pondérés 2 . Enfin le jardinier et le garde étaient de simples serviteurs de Luynes qui aimaient le jeune Louis XIII.
Luynes fit circuler la lettre présumée de Sully et sollicita l'avis de chacun afin de sauver la Couronne. La plupart n'en avaient pas, ou ne voulaient pas livrer leur opinion, morts de peur depuis que Concini avait menacé ceux qui donnaient de mauvais conseils au roi. D'ailleurs, qu'auraient-ils pu proposer face à la formidable puissance du maréchal d'Ancre ? Comme le sujet avait déjà été plusieurs fois débattu, on en revint aux différentes solutions déjà émises.
La première, c'était la fuite, proposition que préférait Luynes car la plus facile à mettre en Åuvre. à l'occasion d'un déplacement à Saint-Germain, il serait aisé de galoper à franc étrier jusqu'à Amboise, son gouvernement. Mais Louis XIII, y voyant une dérobade humiliante, aurait préféré se réfugier au milieu de ses gardes-françaises ou de ses chevau-légers. Seulement, l'armée était en Champagne. Comment s'y rendre sans être rattrapé rapidement alors qu'il n'avait pas d'argent ?
Luynes avait aussi émis l'idée de rejoindre les princes révoltés. à l'en croire, il ne s'agissait pas de rebelles mais de sujets fidèles armés uniquement pour délivrer la France de la honteuse tutelle où elle était tenue par un étranger. Le roi s'y refusait, redoutant
Weitere Kostenlose Bücher