La malediction de la galigai
seule oraison funèbre un écriteau sur sa poitrine : Traître au roi.
*
Le bruit des coups de pistolet avait répandu l'alarme dans le Louvre dont les portes furent fermées. Le roi, qui attendait dans son cabinet, tressaillit en entendant les détonations, puis les cris qui suivirent sans distinguer ce qui se disait. Il n'osait s'approcher des fenêtres. Heureusement, très vite, le colonel des Corses, M. d'Ornano, fils du maréchal du même nom, vint l'avertir.
â Sire, dit-il, à cette heure vous êtes roi ! Le maréchal d'Ancre est mort !
â Ãa, mon épée ! Ma carabine ! s'écria Louis.
Il courut à une fenêtre pour voir. Ornano le prit alors à bras-le-corps et le souleva pour le montrer aux gentilshommes et aux gardes se trouvant dans la cour. L'apparition provoqua un tonnerre de vivats et d'applaudissements.
â Merci ! Merci à vous ! leur cria Louis avant de répéter les paroles d'Ornano : à cette heure, je suis roi !
à son tour, Vitry entra dans la chambre et expliqua n'avoir pu arrêter vif le maréchal d'Ancre, donc s'être vu obligé de le tuer. Le roi l'embrassa et lui répondit avec empressement :
â Donnez ordre que le mal ne soit tombé que sur lui.
Ce qui signifiait qu'il ne voulait ni vengeance ni massacre sur les proches de Concini.
Louis XIII commanda ensuite qu'on allât au Parlement et par la ville annoncer ce qui était arrivé et qu'on fît revenir les anciens serviteurs du roi son père, les ministres Villeroy, Jeannin, l'ancien garde des Sceaux M. du Vair et le chancelier de Sillery. Il ne prévint cependant pas Sully, que Luynes n'aimait guère, à moins qu'il ne voulût oublier avoir fait tuer quelqu'un sans jugement après une dénonciation de celui-ci.
*
Quand le tumulte du palais parvint jusqu'à l'appartement de Marie de Médicis, la reine envoya une de ses femmes s'informer de ces fracas. Celle-ci apprit de Vitry qu'il avait tué le maréchal sur ordre du roi et retourna, éperdue, auprès de sa maîtresse.
â Oh ! Madame, dit-elle, monsieur le maréchal a été tué ! Sa Majesté l'a ainsi voulu !
Marie de Médicis, éberluée, demanda immédiatement un entretien avec son fils. Mais celui-ci refusa de la recevoir. Elle découvrit alors qu'on venait de remplacer sa propre garde par celle du roi et que des ordres refusaient qu'elle puisse sortir de ses appartements.
â Poveretta di me ! s'écria-t-elle. J'ai régné sept ans, maintenant je n'aurai plus que les croix et les couronnes du ciel !
C'est alors qu'une de ses dames de compagnie lui demanda s'il ne fallait pas annoncer la funeste nouvelle à son amie la maréchale.
â J'ai bien autre chose à faire ! rétorqua-t-elle. Si on ne peut dire à la maréchale que son mari est tué, il faut le lui chanter aux oreilles ! Qu'on ne me parle plus de ces gens-là  ! Je les avais prévenus qu'ils feraient bien de s'en retourner en Italie !
*
Léonora se trouvait dans son appartement du Louvre. Quand on lui annonça la mort de son mari, elle comprit qu'on allait s'en prendre à elle, peut-être la tuer. Demandant asile à la reine mère, elle essuya un refus et sombra dans une crise d'hystérie comme elle en connaissait durant ses moments d'émotion. Elle se mit à hurler, gagnée de convulsions, de hoquets et de sanglots. Lorsqu'elle s'en releva, elle s'enferma, rassembla ce qu'elle avait de plus précieux, son or, ses bijoux, ses pierreries, et même les bagues de la Couronne qu'elle avait sur elle, puis porta le tout sous son matelas et se coucha sur son trésor.
Peu après, des archers envoyés par le baron de Vitry pour l'arrêter brisèrent la porte de l'appartement et la trouvèrent feignant l'agonie. Ils la levèrent de force et découvrirent l'argent et les bijoux dont ils s'emparèrent. Pendant cette fouille, elle se cramponna aux bois du lit en hurlant des injures ; il fallut plusieurs personnes pour la maîtriser.
Sous bonne garde, on l'enferma dans une chambre haute du Louvre tandis que ses appartements étaient mis au pillage. Dans le même temps, son frère, Sébastien Galigaï, qu'elle avait fait nommer abbé de Marmoutier, se sauvait par la porte de derrière du collège de la même
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