La malediction de la galigai
souverain à qui il avait offert une carabine.
â Quand voulez-vous que je l'arrête, Sire ? demanda-t-il abruptement.
â Lorsqu'il pénétrera dans le Louvre. Vous n'aurez qu'à être dans le corps de garde du pont dormant avec vos hommes. Ainsi, ses spadassins n'auront pas le temps de lui porter secours, répondit Luynes.
â Oui, dans le corps de garde ! approuva le roi.
â Sire, ajouta Vitry, si le maréchal se défend, que veut Sa Majesté que je fasse ?
Cette fois, ce fut Guichard Déageant qui répondit pour Louis XIII.
â Le roi entend qu'on le tue.
â Sire, me le commandez-vous ? insista Vitry.
â Oui, je vous le commande, murmura ce dernier.
Il fut décidé que l'arrestation se déroulerait seulement le dimanche 23 avril, Vitry voulant faire venir son frère pour le seconder.
1 Il finira duc de Chaulnes, pair et maréchal de France.
2 Il deviendra son secrétaire.
3 Bellegarde avait été un des premiers à poignarder Guise à Blois. Voir La Ville qui n'aimait pas son roi , du même auteur.
7
Q uand il devait être présent au Louvre le matin, le maréchal passait la nuit dans un petit hôtel sur la rive de la Seine, près des murailles de l'enclos du château. Il accordait alors toujours une première visite à la reine mère, afin de lui rendre ses hommages.
Le dimanche 23, contrairement à son habitude, Concini vint plus tôt que prévu au Louvre. à ce moment-là , Louis XIII était à la messe. Si l'affaire échouait, il n'aurait donc pas le temps de fuir dans le carrosse qui l'attendait au bout de la galerie du Louvre ; aussi l'arrestation fut-elle repoussée au lendemain.
Le lundi, le roi fut prêt de bonne heure et resta dans sa chambre. Le temps était gris. Vitry avait placé ses hommes dans la cour du palais. Vers dix heures, vêtu de velours gris et avec des galoches aux pieds â il avait plu toute la nuit â, le maréchal d'Ancre sortit de son hôtel entouré de cinquante gentilshommes et longea les murailles du petit jeu de paume. En se dirigeant vers le pont dormant, il lisait une lettre.
Vitry, dans la cour du Louvre, vit le groupe arriver mais n'aperçut pas Concini. Inquiet, il demanda à ses amis :
â Où est monsieur le maréchal ?
â Le voilà qui lit une lettre ! répliqua l'un d'eux, dressé sur une borne.
Au moment où le maréchal d'Ancre passait la grande porte du pont dormant, un signal fut donné et la porte refermée derrière lui. Vitry s'avança alors avec ses archers et quelques gardes, dissimulant des pistolets sous leurs manteaux.
Rejoignant Concini entre le pont-levis et le pont dormant, il écarta les fidèles de l'Italien et lui énonça, en présentant son bâton de commandement :
â Monsieur, le roi m'a commandé de me saisir de vous.
Stupéfait, le maréchal s'arrêta sur place.
â A me  ? dit-il en Italien.
En même temps, il porta la main sur son épée, peut-être pour la rendre, plus certainement pour la tirer.
â Oui, à vous.
Aussitôt, trois hommes de la garde vidèrent leurs pistolets sur l'Italien. Une balle atteignit Concini au cÅur, l'autre à la tête et la dernière dans le bas-ventre. L'homme le plus puissant de France tomba sur le parapet du pont. Un autre archer lui porta alors un coup de hallebarde dans le côté et les suivants, extrayant leurs épées, le percèrent à l'envi. Lorsque le cadavre s'effondra sur le sol, Vitry lui envoya un coup de pied en criant :
â C'est par ordre du roi !
Ces simples mots firent tomber les armes des mains de ceux qui accompagnaient le favori, tous se dispersant rapidement, comprenant qu'ils avaient intérêt à disparaître. Aucun gentilhomme de Concini ne se mit même en devoir de le venger, à l'exception de M. de Saint-Georges qui fit mine de sortir son épée. Mais voyant les autres abandonner, il suivit leur exemple.
Le corps du maréchal fut alors dépouillé par les meurtriers. L'un s'empara de son épée, un autre du diamant de grand prix qu'il avait au doigt, un dernier de son manteau brodé. Après quoi on traîna le corps dans le petit jeu de paume du Louvre où il demeura jusqu'au soir, avec comme
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