La malediction de la galigai
encore pris la mesure de son succès. Le danger qu'il s'imaginait avoir couru était encore dans son esprit, quand il aperçut Richelieu. Après un premier mouvement d'humeur où il lui déclara être enfin délivré de sa tyrannie, Louis XIII lui dit plus aimablement qu'il le savait étranger aux mauvais desseins du maréchal d'Ancre. Luynes appuya cette mansuétude et Richelieu crut un moment qu'il resterait ministre. Mais il n'en fut rien et le prélat comprit qu'il n'avait plus sa place au Louvre.
1Â Rappelons qu'il s'agit d'Armand du Plessis de Richelieu, le futur cardinal.
8
P etit-Jacques et Mondreville suivirent la rue Dauphine jusqu'Ã la porte de Bussy avant de filer vers la rue de Tournon.
Là , le pillage était déjà en cours. Le portail de l'hôtel de Concini avait été enfoncé. Toute une populace avait balayé les gardes et ceux qui ne s'étaient pas enfuis étaient pendus par le cou ou les pieds aux grilles des fenêtres. La porte d'entrée avait été brisée et, des étages et de la tour d'angle, on jetait tentures et meubles. Les pillards cassaient et brûlaient ce qu'ils ne pouvaient emporter. Des serviteurs du maréchal sortaient, tuméfiés, leur livrée déchirée. On entendait les cris de joie, mais aussi de terreur et de douleur de ceux qu'on battait, torturait ou des servantes qu'on violait.
En observant le furieux spectacle, Mondreville remarqua que beaucoup de ceux qui repartaient chargés de butin vers la rue de Luxembourg étaient des ouvriers travaillant au nouvel hôtel de la reine mère.
Laissant leurs chevaux à l'écurie de l'auberge du Cheval d'Airain , ils se joignirent à la foule et découvrirent l'immense hôtel dans un état de désordre incroyable. Les toiles des tableaux avaient été déchirées, les tentures et les rideaux arrachés, les armoires et les coffres vidés. Petit-Jacques saisit un diamant encore attaché à un chapeau piétiné par la foule et Mondreville une belle chaîne d'or abandonnée en bas d'un escalier, rapines perdues par les maraudeurs. Quelques cadavres dénudés de leurs vêtements traînaient le long des murs.
Dans le jardin, du côté opposé à la rue de Tournon, une horde qui avait vidé les cuisines et les celliers s'était installée pour dîner à la santé du maréchal d'Ancre. Comme ils avaient faim, Mondreville et Petit-Jacques se joignirent à elle. Pâtés, jambons et flacons circulaient joyeusement. Déjà la plupart des dîneurs étaient ivres.
Ils avaient fini de manger et s'apprêtaient à visiter une autre aile de l'hôtel quand surgit un détachement d'archers du chevalier du guet. Prudent, le duo jugea habile de sortir par la porte du jardin, enfoncée elle aussi, mais les archers ne tentèrent pas de rétablir l'ordre, craignant d'être eux-mêmes pris à parti. Malgré tout, avec leur présence, les violences se calmèrent.
Plus tard se présentèrent des gardes du roi, cette fois en grand nombre, avec à leur tête plusieurs gentilshommes. La rumeur circula vite que celui qui les commandait était le baron de Vitry ! L'homme ayant eu l'audace d'arrêter Concini, et de le tuer. Dès que cela se sut, le courageux capitaine fut acclamé.
Le pillage cessa lorsqu'il pénétra dans l'hôtel avec ses hommes, ou, plus exactement, les pilleurs changèrent. En effet, la populace fut jetée dehors, remplacée par les courtisans et des gardes du roi. Mondreville et Petit-Jacques, qui observaient depuis la rue, virent ces derniers ressortir les bras chargés de tissus, d'armes, d'orfèvrerie ou de vaisselle d'or et d'argent qu'ils chargeaient sur leurs chevaux. Malgré la précédente maraude, la richesse de l'hôtel paraissait inépuisable.
L'hôtel de Tournon ne fut pas le seul mis à sac. Ne pouvant plus assouvir sa cupidité dans l'hôtel de Concini, la canaille s'attaqua aux maisons des fidèles du maréchal. Le logis de Bernardo Gramucci fut ainsi ravagé par une foule furieuse.
Satisfaits du diamant et du collier, Petit-Jacques et Mondreville n'envisageaient pas de se joindre à ces nouvelles rapines ; aussi descendirent-ils jusqu'à la maison aux armes des Valois qui n'avait pas été touchée par la vindicte populaire. Sans doute personne ne savait-il
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