La malediction de la galigai
Nicolas garnissait d'avoine la mangeoire du cheval.
â On a forcé la porte avec ça, Bauer, commenta Louis en désignant la souche. Ce n'étaient pas les domestiques.
â Où sont-ils alors ? Et où se trouve Richebourg ?
â Cherchons !
Ils firent le tour du donjon sans découvrir la moindre trace. Sur le pont dormant, le chat miaulait toujours frénétiquement. Ses cris déchirants attirèrent l'attention de Nicolas qui avait fini de s'occuper de la rossinante. Il vint pour le caresser, mais le félin sauta dans le fossé et disparut sous le pont où il feula derechef.
Revenu devant le porche, Fronsac réprima un sourire en voyant Nicolas penché, essayant d'attirer la bête. Brusquement, le domestique se releva, livide.
â Monsieur⦠balbutia-t-il.
â Qu'y a-t-il ?
â Un bras⦠là  ! ânonna Nicolas.
Abandonnant le sac contenant ses pistolets, Fronsac sauta dans le fossé, qui ne faisait qu'une demi-toise. Ãcartant quelques orties avec l'épée de Richebourg, il découvrit le corps, à peine dissimulé sous les planches. Le chat près de lui.
Fronsac souleva la tête couverte d'une longue chevelure blanche affreusement rougie, celle d'un vieillard. Une balle lui avait pénétré dans l'Åil.
â Que se passe-t-il, bozieu  ! interpella Bauer, que Nicolas était allé cherché.
â Nicolas a trouvé un domestique.
Les vêtements rapetassés, en drap grossier, étaient certainement ceux d'un valet. D'après la blessure, on lui avait tiré dessus à quelques pas.
Fronsac piétina les ronces et les orties autour de lui mais ne découvrit pas d'autre cadavre. Ni même aucune autre trace. On avait juste dissimulé le corps sous les planches du pont. Sans le chat, ils ne l'auraient pas trouvé. La bête s'était d'ailleurs éloignée. à quelques pas, elle les observait, silencieuse, satisfaite du devoir accompli.
Louis attrapa la main de Bauer qui le hissa hors du fossé. Puis Fronsac resta encore un moment à balayer les lieux du regard. Et si Richebourg avait tué son domestique avant de s'enfuir ? Mais alors, pourquoi enfoncer la porte⦠Sauf si celle-ci avait été forcée pour une autre raison⦠Peut-être par Richebourg parce que son valet s'était enfermé. Comment savoir ?
Il baissa les yeux et vit ses bottes toutes crottées de boue, à cause de l'orage du dimanche.
â Bauer, retournons sur le chemin et essayons de trouver des traces de sabots. Je veux être certain que des gens sont venus.
Avec Nicolas, ils revinrent au-delà de l'endroit où le Bavarois avait laissé sa monture. Et découvrirent que si, en marchant, ils avaient écrasé des traces, on apercevait encore distinctement quelques empreintes de fers de chevaux.
â Nicolas, toi qui connais bien les bêtes, examine ces marques. à ton avis, combien de montures sont passées ?
Bauer intervint en désignant les plus grosses empreintes.
â Celles-là sont celles de ma jument, dit-il d'un ton satisfait.
Distinguer les autres traces se révéla embarrassant. Les marques étaient peu visibles, noyées par la dernière pluie, et il était impossible de distinguer les sabots avant et arrière.
â Il y a là un fer à huit trous et un sabot auquel il manque un clou, jugea finalement Nicolas. Les traces les plus fraîches vont vers le château. J'ai l'impression que ce sont celles de la rossinante. Je crois qu'il n'y a qu'un cheval⦠J'en suis même certain.
Fronsac écoutait à peine. Il venait de remarquer plusieurs empreintes de bottes. Il enfonça un de ses pieds dans la terre humide afin d'identifier la sienne, puis regarda les pieds de Bauer et Nicolas. Ceux du colosse Bavarois ne pouvaient être confondus avec quiconque et Nicolas portait des souliers. Or, il constatait distinctement trois empreintes de talons de bottes, de formes différentes, ne correspondant ni aux siennes ni à celles de Bauer.
Il se tourna vers Nicolas :
â Va vérifier les fers de la rossinante et rejoins-nous à la voiture. Friedrich, reste derrière moi pendant que j'examine le sol.
Louis suivit le chemin jusqu'à la voiture. Au bout d'un moment, il fut capable de repérer distinctement les trois traces. Elles avaient
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