La malediction de la galigai
à l'Hôtel du roi. Mais croyez-vous que son titre l'a protégé ? Non, car il croupit maintenant au fond d'un cachot !
Ne s'attendant pas à cette révélation, Fronsac demeura un instant pétrifié. En même temps, il eut la fugitive impression que Bréval foudroyait du regard le jeune emporté.
â Tu as entendu, Bauer ? laissa-t-il tomber. Cet héritier a des choses intéressantes à nous raconter.
Louis sortit alors un pistolet à silex des doubles fontes qu'il avait gardées à la main et s'adressa au fils du prévôt en le menaçant de l'arme :
â Venez avec nous, mon garçon, nous avons à parler.
Charles Mondreville connut un instant de panique. Il considéra Bréval qui se frottait les mains nerveusement, Pichon qui baissait les yeux et Canto qui essuyait le sang coulant de son nez et de ses lèvres. Son regard balaya la salle, cherchant une aide, mais toute l'assistance se figeait dans un mélange de peur, de satisfaction et de curiosité.
Brusquement, le garçon détala vers la porte des cuisines, tandis que Bauer dut contourner un banc pour le rattraper. Louis n'osa tirer, de crainte de blesser quelqu'un.
Mais Nicolas, levé, n'était pas loin. Ayant à portée de main une escabelle à trois pieds, il la saisit et la lança sur le dos de Mondreville. Sous la violence du coup, ce dernier s'affala.
Déjà Bauer l'avait rattrapé et jeté sur ses épaules comme un sac de farine.
â Laissez-le ! cria Bréval en se dressant. Vous n'avez pas le droit d'agir ainsi !
â J'ai juste quelques questions à lui poser, monsieur, rétorqua Louis sous la menace du pistolet. Je vais l'interroger dans la cour, et si ses réponses sont satisfaisantes, il pourra vous rejoindre et terminer son pigeon. Bauer, emmène-le.
Fronsac recula vers la porte, tenant toujours en joue Bréval et les autres. Nicolas avait ramassé les armes de Bauer.
*
Dans la cour, l'attrapant par le col, Bauer remit le fils Mondreville sur pied. L'autre claquait des dents et tremblait sans se maîtriser.
â Qui est ce procureur ? s'enquit Fronsac.
â Vous⦠vous n'avez pas le droit, pleurnicha l'imprudent.
Bauer le souffleta deux fois, retenant volontairement sa force. Par expérience, il savait pouvoir tuer d'une simple torgnole. Malgré cette mesure, la première gifle fendit la joue de Mondreville, à cause d'une des bagues du colosse, et la seconde, mal ajustée, lui brisa le nez.
â Mon garçon, dit Fronsac en grimaçant, car il regrettait cette violence inutile, le troisième soufflet de mon ami Bauer brisera votre mâchoire et fera tomber toutes vos dents. Je n'ose décrire ce qui suivra si vous vous obstinez.
â Che ⦠che ⦠sais pas son nom, monsieur, sanglota le couard, la bouche en sang. Mon père m'a rien dit⦠Ch 'est un domestique qui m'a raconté.
â Quel jour était-ce ?
â Le dernier de juillet, renifla Mondreville, tentant d'arrêter, avec sa manche, le sang qui coulait de sa bouche.
â à quoi ressemblait cet homme ? lança Bauer.
Mondreville leva la tête. On levait toujours la tête pour répondre à Bauer.
â Roux ! Le valet de chambre de mon père m'a dit qu'il s'agissait d'un rouquin !
C'est bien Gaston ! songea Fronsac, ressentant un profond soulagement.
â Que venait-il faire ?
â Il venait de Tilly, monsieur. (Charles Mondreville eut un hoquet de sanglots.) Et a menacé mon père⦠Mon père avait le droit, monsieur⦠Il est seigneur⦠prévôt⦠et l'a fait saisir par ses archers.
â Où se trouve-t-il maintenant ?
â Dans le cachot de la seigneurie.
â Où ?
â à Vernon⦠Mon père loue un cachot au vicomte, dans le château des Tournelles 2 .
â Votre père y a-t-il conduit un autre prisonnier ? demanda Louis, songeant à Richebourg.
â Non, monsieur, je vous le jure !
â Laisse-le, Bauer. Nicolas, la voiture, nous partons !
Libéré de l'étreinte du colosse, Mondreville détala vers l'intérieur de l'auberge, bousculant les curieux rassemblés devant la porte, trop heureux d'assister à son humiliation.
Nicolas fit venir le carrosse de la remise. Bauer alla chercher son
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