La malédiction des templiers

poussière.
    — Vous n’avez rien compris, Tess, on dirait. Ces écrits et le reste de ce que transportaient les Templiers ont terrifié ces moines au point qu’ils étaient prêts à tuer pour les garder secrets. Puis ils se sont suicidés quand ils en ont perdu le contrôle. Pour eux, ces écrits étaient bel et bien l’œuvre du démon. Ils s’y réfèrent comme à une chose susceptible d’anéantir leur monde, leur monde chrétien . Votre monde, ajouta Zahed d’un ton acerbe.
    — Et c’est pour cette raison que vous voulez vous en emparer ?
    Le sourire de l’Iranien s’élargit.
    — Bien sûr. Votre monde est déjà en train de s’écrouler. Et j’ai le sentiment que cela pourrait contribuer à accélérer cette spirale d’échec. Venant après tous ces scandales de pédophilie que le Vatican a si spontanément contribué à éradiquer, le timing ne pourrait être plus favorable.
    Tess sentit un frisson la parcourir, mais elle essaya de n’en rien laisser paraître.
    — Et vous pensez pouvoir ébranler si aisément la foi des gens ?
    — Absolument, répondit l’Iranien avec un haussement d’épaules. Je suis persuadé que vos compatriotes sont beaucoup plus croyants que vous ne le pensez. Ce qui les rend d’autant plus vulnérables.
    — Je sais à quel point ils sont religieux. Mais je suis convaincue qu’ils ne s’attachent guère aux points de détail.
    — Peut-être pas tous… mais beaucoup si. Assez, en tout cas, pour causer des problèmes. Et cela me suffit amplement. Car c’est tout l’objet du débat, et vous ne l’avez pas encore compris. Cette bataille, cette guerre entre nous… ce « choc des civilisations », ainsi que vous l’appelez. C’est un affrontement à long terme. Qui ne consiste nullement à détenir le plus gros fusil, ou à porter le coup prétendument décisif. Il s’agit d’éprouver petit à petit le corps de l’adversaire, avec des directs, des crochets et des uppercuts bien placés. Cela veut dire user l’adversaire, lui miner le moral chaque fois que l’occasion s’en présente. Et à l’heure actuelle votre pays est dans une mauvaise passe. Votre économie est en ruine. Votre environnement l’est tout autant. Plus personne ne fait confiance à vos hommes politiques ni à vos banquiers. Vous perdez toutes les guerres dans lesquelles vous êtes engagés. Vous êtes plus divisés que jamais et en faillite sur le plan moral. Vous êtes à genoux sur tous les fronts. Et chaque coup susceptible d’accélérer votre déclin vaut la peine d’être porté. En particulier quand cela touche à la religion, car vous êtes des gens religieux. Tous, pas seulement ceux d’entre vous qui vont à l’église. Vous êtes encore plus croyants que nous.
    — Ça, j’en doute, fit Tess avec un petit rire moqueur.
    — Eh bien, vous avez tort et moi raison. Plus que vous ne pouvez l’imaginer.
    Il réfléchit quelques secondes avant de poursuivre :
    — Tenez, je vais vous donner un exemple : vous vous rappelez ce tremblement de terre qui a tué des centaines de milliers de personnes à Haïti il y a quelques mois ? Avez-vous remarqué comment vos responsables ont réagi ?
    Tess ne voyait pas le rapport, mais répondit néanmoins :
    — Ils ont envoyé de l’argent et des troupes, et ils…
    — Mais oui, bien sûr, l’interrompit l’Iranien. Tout comme le reste du monde. Non, ce dont je veux vous parler, c’est de leurs sentiments. En particulier ceux de l’un de vos prêcheurs les plus populaires, qui a déclaré sur l’une de vos grandes chaînes de télévision que ce désastre était dû au fait que les Haïtiens avaient conclu un pacte avec le diable. Un pacte avec le diable, fit-il en éclatant de rire, pour les aider à se débarrasser des tyrans français qui leur avaient imposé leur règne durant tant d’années. Et il ne s’est pas ridiculisé, loin de là. Il n’a pas été chassé avec pertes et fracas, il est toujours respecté dans votre pays alors qu’il s’est contenté de débiter les mêmes sermons ridicules que ses semblables dégoisent depuis des siècles, chaque fois que se produit un tremblement de terre ou tout autre désastre. Mais il y a mieux : ce que je trouve particulièrement révélateur, c’est que cet homme n’a pas été le seul de son espèce. Votre propre président, si libéral, si intellectuel, si moderne, a fait un discours à ce sujet pour dire que « Sans la grâce de Dieu » un