La malédiction des templiers

tremblement de terre du même ordre aurait pu frapper l’Amérique. Vous vous rendez compte ? Que peut bien signifier ce « Sans la grâce de Dieu » ? Voulait-il dire par là que la grâce de Dieu a protégé les Américains et que Sa grâce a plutôt choisi d’anéantir quelques centaines de milliers d’Haïtiens ? Quelle différence entre ce qu’il a dit ce jour-là et le sermon de votre télévangéliste préféré ? Vous pensez vraiment que votre président est moins pieux, moins superstitieux que ce fou frénétique ?
    — C’était une façon de parler, riposta Tess. Les gens qui ont échappé à quelque chose de terrible se disent : Dieu veillait sur moi. Ils ne prennent pas cela au pied de la lettre.
    — Bien sûr que si. Ils le pensent profondément. Ils y croient, tout comme votre président. Vous êtes tous persuadés que votre Dieu est le seul, l’unique, et que, au titre de peuple élu du Christ, Il vous apportera sa protection. Vous êtes aussi arriérés que nous, dit-il avec un ricanement. Ce qui explique pourquoi ce que nous faisons est si important pour moi. Et pourquoi il n’est pas question que je laisse tomber avant d’achever ce que nous avons commencé.
    Tess sentait le sang battre à ses tempes. Cet homme n’était en effet pas près d’abandonner. Et même dans le cas contraire, il n’allait certainement pas lui rendre sa liberté.
    L’Iranien la fixa durement du regard, en silence, ses yeux s’étrécissant jusqu’à devenir des fentes.
    — C’est une remarquable entrée en matière. Vous vous êtes très bien débrouillée. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Maintenant, nous savons que Conrad est venu jusqu’ici. Il semblerait qu’il ait affronté plusieurs combattants musulmans. C’est peut-être à cet endroit qu’il a trouvé la mort. Peut-être. La seule chose que nous sachions avec certitude c’est que lorsque lui et ses hommes ont quitté le monastère du mont Argée ils emportaient avec eux trois gros coffres. Trois gros coffres qui devaient contenir autre chose que deux modestes bouquins. La question est : où est passé le reste ?

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    Cappadoce, mai 1310
    Ils les rattrapèrent le lendemain, dans la soirée.
    Maysoun savait bien lire le terrain. Le fait d’avoir passé son enfance dans la région représentait à cet égard un véritable atout. Ce qui ne l’était pas, c’était qu’ils avaient en face d’eux six hommes, dont cinq pleins de vigueur et de malignité, qui escortaient un chargement que Conrad souhaitait récupérer sans courir le risque de lui faire subir le moindre dommage.
    Compte tenu de ce désavantage, ils n’avaient qu’une alternative : tendre une embuscade. Cela avait bien fonctionné pour les Turcs, il faudrait que ça fonctionne pour Conrad et Maysoun, pour peu qu’ils choisissent l’endroit adéquat.
    Ils firent ce qu’il fallait pour cela.
    Après les avoir traqués plusieurs heures, ils retrouvèrent leur piste avant le coucher du soleil et poursuivirent quelque temps leur chevauchée afin d’estimer le chemin que leurs adversaires couvriraient le lendemain. Maysoun expliqua à Conrad qu’il leur faudrait passer à l’action au matin, à défaut de quoi le convoi atteindrait les vastes étendues herbeuses qui menaient à Konya. Celles-ci étaient totalement plates, et il serait donc pratiquement impossible de les prendre par surprise. Ils étaient en conséquence contraints de frapper au moment où leurs adversaires en seraient encore à traverser la zone où ils se trouvaient actuellement, une région de collines couvertes de forêts et de vallons baignés de soleil.
    Mais même dans ces conditions, le choix des emplacements était des plus limités. Si tant est qu’on pût parler de choix… Le paysage environnant était trop exposé et ne présentait aucune caractéristique naturelle favorable à ce genre d’opération. Au surplus, dans la mesure où il n’y avait aucune piste, pont ou gué présentant un quelconque rétrécissement que les Turcs auraient été obligés d’emprunter, Maysoun n’était pas capable de prévoir avec certitude leur futur itinéraire. Ce qui signifiait que même l’embuscade la mieux préparée du monde risquait de déboucher sur un fiasco, l’adversaire ne se montrant tout simplement pas.
    Il ne leur restait donc qu’une option : passer à l’action à la faveur de la nuit, à l’endroit où les Turcs allaient établir leur campement. Ce qui n’était