La malédiction des templiers
rapide, sur ses lèvres avant de s’éclipser.
Il attendit qu’elle soit à mi-chemin du chariot, puis s’approcha des chevaux et les détacha, tranquillement, l’un après l’autre, tous sauf un, le seul que Maysoun et lui n’avaient pas chargé du fardeau très particulier que portaient les autres. Il patienta un moment puis, lorsqu’il vit la jeune fille grimper sur le banc du chariot, sortit un faisceau de branchages du petit foyer qu’elle avait allumé et, passant rapidement d’un cheval à l’autre, mit le feu aux fagots fixés au dos des bêtes. Des flammes s’élevèrent aussitôt, paniquant les chevaux qui lancèrent des ruades et poussèrent des hennissements affreux, que Conrad encouragea encore en leur claquant violemment la croupe tout en hurlant comme un possédé.
La nuit paisible ne fut soudain plus qu’un lointain souvenir.
Les chevaux s’élancèrent à travers bois, galopant furieusement, les fagots enflammés tels des lumignons d’arbres de Noël, les flammes venant leur lécher la croupe. Conrad se détourna aussitôt pour regarder le chariot s’ébranler avant de prendre de la vitesse et de s’éloigner à toute allure du campement, Maysoun tenant les rênes et maniant le fouet en cavalière accomplie, tandis que, près du foyer, les Turcs s’étaient levés précipitamment et regardaient autour d’eux, en proie à la plus extrême confusion.
Des cris hystériques et des hennissements affolés retentirent autour de lui, tandis que les boules de feu disparaissaient dans la forêt. Il était temps de décamper. Conrad se mit alors à courir vers la monture qu’il avait laissée attachée un peu plus loin. Il en était à quelques mètres quand un homme se dressa devant lui pour lui barrer le passage. C’était l’un des sbires de Mehmet. L’homme brandissait un cimeterre. Conrad ne cilla pas. Sans ralentir, il feignit de le frapper à gauche et se pencha sur sa droite, évitant ainsi le large coup d’estoc de l’homme de main tout en lui plongeant son poignard dans la poitrine. Il ne s’arrêta que le laps de temps nécessaire pour l’en extraire et se saisir du cimeterre de sa victime, avant de se précipiter vers le cheval, de sauter sur son dos et de l’éperonner pour rejoindre au plus vite Maysoun et le chariot.
La jeune fille fonçait à travers la vallée, sans regarder en arrière, uniquement préoccupée de faire avancer au plus vite les deux chevaux qui les tiraient, elle et son chariot lourdement chargé.
Elle avait l’impression que tous ses os s’entrechoquaient tandis que le chariot filait en brinquebalant sur la piste accidentée. Elle devait absolument mettre le plus de distance possible entre elle et la bande de son père. Ils allaient se lancer à sa poursuite, elle en avait l’absolue certitude, même s’ils ignoraient que c’était elle qui conduisait le chariot. Ils auraient beaucoup de mal à récupérer leurs chevaux, mais ils y parviendraient. Les fagots enflammés sur le dos des malheureuses bêtes finiraient par s’éteindre et elles s’arrêteraient toutes seules. Peut-être se mettraient-elles d’elles-mêmes à la recherche de leurs maîtres. Maysoun continuait en conséquence de pousser son attelage à grands coups de fouet. Conrad, plus rapide, la rattraperait. Cela fait – à condition qu’il y parvienne –, ils continueraient en direction du sud, vers une terre chrétienne, en prenant le temps de couvrir leurs traces.
Jusque-là, tout allait bien…
C’est alors que deux mains grassouillettes la saisirent par-derrière et la renversèrent de son siège.
Dans les faibles lueurs de l’aube naissante, malmenée par les cahots, il lui fallut un certain temps pour comprendre qui était son agresseur. Puis un coup de vent écarta ses cheveux de son visage et son cœur manqua un battement lorsqu’elle vit à qui elle avait affaire.
Son père.
Il s’était endormi à l’arrière du chariot, derrière les coffres.
Et il semblait tout aussi surpris qu’elle, sinon plus.
— Espèce de catin, gronda-t-il en resserrant encore sa prise autour du cou de sa fille, la plaquant en arrière contre le banc. Espèce de sale traîtresse. Ainsi tu as décidé de voler ton propre père ?
Maysoun pouvait à peine respirer. Elle essaya bien de repousser ses bras, mais il n’eut aucun mal à écarter ses mains d’une simple tape, avant de lui administrer une gifle magistrale et de recommencer à l’étrangler dans les règles
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