La malédiction des templiers
de la main :
— A vous l’honneur. Votre tâche a été rude, vous le méritez bien.
Elle lui jeta un coup d’œil soupçonneux avant de se pencher sur le pot. Ce qu’elle y vit accéléra les battements de son cœur. Tendant la main, elle en retira le contenu : deux codex, deux ouvrages reliés de cuir, à l’évidence très anciens, approximativement de la taille d’un livre de poche.
Elle les tint entre ses doigts tremblants, avec d’infinies précautions, comme s’ils étaient faits de la porcelaine la plus fragile, et les admira un moment. Puis elle posa l’un des deux dans son giron avant d’étudier l’autre.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Abdülkerim d’une voix à peine audible.
Tess dénoua avec le plus grand soin la lanière de cuir qui entourait les couvertures du premier codex. Celle du dos, la quatrième, était dotée d’un rabat qui se repliait sur le devant de l’ouvrage. Elle souleva ledit rabat puis, lentement, ouvrit le livre.
Les feuilles de papyrus d’un brun doré qu’il contenait étaient manifestement très friables, leurs bords émiettés par endroits. Elle n’osa pas tourner la première page, de crainte d’endommager le manuscrit, mais les caractères grecs qu’elle y aperçut suffirent à lui donner une bonne idée de ce qu’elle avait entre les mains.
— Des lettres de type alexandrin, dit-elle d’une voix empreinte de respect. Comme celles des manuscrits coptes d’Egypte ou ceux de Nag Hammadi.
— Qu’est-ce que ça raconte ? demanda l’Iranien.
Tess lut la première page, puis leva les yeux vers Abdülkerim et la lui montra. L’écriture grecque ancienne, la koinè, n’avait apparemment pas de secrets pour lui, c’était de toute évidence son domaine d’expertise.
— « L’Evangile de la Perfection »… Je n’en ai jamais entendu parler, dit-il en regardant Tess. Pourquoi est-il là ? Comment êtes-vous au courant ?
— Et l’autre, c’est quoi ? intervint Zahed, ignorant la question d’Abdülkerim.
Tess reposa le premier codex et saisit le second. Elle l’ouvrit, là encore avec un soin extrême. Bien que les deux codex fussent très similaires en apparence, celui-ci était fort différent du premier en ce qu’il contenait des feuilles reliées de parchemin, et non de papyrus, ce qui indiquait qu’il était probablement plus récent que l’autre. Le lettrage était toutefois identique, et il était lui aussi écrit en koinè.
— « L’Evangile des Hébreux », lut-elle. Vous vous rendez compte de ce que c’est ? C’est l’un de ces évangiles « perdus » qu’évoquent les Pères de l’Eglise dans leurs écrits. C’est l’unique exemplaire jamais découvert.
Le cœur battant, la jeune femme parcourut lentement les premières pages, déchiffrant les lettres minuscules, essayant de comprendre ce qu’elles racontaient, jusqu’à ce qu’elle aperçoive quelque chose d’autre. Un feuillet de parchemin plié, inséré entre les pages du livre.
Elle le retira, constata alors qu’il ne s’agissait pas simplement d’un feuillet, mais de quatre, pliés ensemble. Sans doute un document officiel quelconque, car les feuillets avaient été scellés à l’aide d’une cire d’un brun-rouge assez sombre, qui avait laissé sa marque sur les pages du codex entre lesquelles ils avaient été intercalés. Elle approcha la lampe torche d’Abdülkerim un peu plus près, afin de mieux y voir, et souleva légèrement un coin du premier feuillet, sans pouvoir toutefois distinguer grand-chose d’autre que les lettres qui y étaient inscrites. Et qui ne ressemblaient en rien à celles des codex.
— Je crois que c’est du latin, mais je ne peux pas voir ce qu’il y a à l’intérieur sans briser le sceau, dit-elle à Zahed.
— Eh bien, allez-y, répliqua ce dernier.
Tess lâcha un soupir exaspéré. Inutile de discuter avec cet homme. Gardant sa fureur pour elle, elle glissa les doigts sous le feuillet supérieur de la liasse. Avec autant de délicatesse que possible, elle décolla le sceau du parchemin sans toutefois pouvoir l’empêcher de se briser en deux. Plusieurs centaines d’années après qu’on l’eut mis en place, le sceau avait rempli son office.
Tess déplia ensuite les feuillets, toujours avec un grand luxe de précautions afin qu’ils ne se craquellent pas.
L’écriture était en effet différente de celle des ouvrages. Le texte était en écriture cursive propre au romain
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