La malédiction des templiers
archives, soit beaucoup plus que tous les autres alentour. Ce qui n’avait rien de surprenant. L’affaire avait été le plus gros scandale politique et religieux de son temps. Diverses commissions papales et une petite armée d’inquisiteurs avaient été chargées d’enquêter sur l’Ordre, depuis l’époque précédant la délivrance des premiers mandats d’arrestation, à l’automne 1307, jusqu’à la dissolution de l’Ordre, cinq ans plus tard, et la mort sur le bûcher de son grand maître, en 1314. Bien que les archives des Templiers eussent été perdues – on avait eu vent pour la dernière fois de leur présence à Chypre, où elles avaient été transférées depuis Acre, à la suite de la chute de la ville, en 1291 –, le Vatican s’était constitué son propre fonds, considérable, à la faveur de cette enquête extensive. Rapports d’inquisiteurs itinérants, transcriptions d’interrogatoires et de confessions, déclarations de témoins, listes de biens et documents administratifs confisqués dans les différents lieux appartenant aux Templiers à travers l’Europe, tout était accumulé là, compte rendu exhaustif, quasi médico-légal, de la fin infamante des moines-soldats.
Il n’en semblait pas moins que nombre de secrets demeuraient enfouis dans ces feuillets à l’encre pâlissante.
Comme pour le confirmer, l’historien se tourna vers Reilly, l’excitation illuminant son visage.
— Je l’ai trouvé.
L’agent du FBI s’approcha. L’Iranien tenait entre ses mains un épais volume relié de cuir, de la taille d’un gros album de photos. La couverture était déchirée et d’aspect très fragile ; les planchettes en bois rigidifiant la reliure en cuir ouvragé ressortaient aux quatre coins. Il ouvrit le volume, laissant apparaître la première page. Elle était blanche, à l’exception d’une large tache d’un brun pourpre dans le coin en bas à droite – une attaque de bactéries – et du titre en son centre : Registrum Pauperes Commilitones Christi Templique Solomonici.
Le Registre des Templiers.
— C’est bien lui, confirma le professeur, tournant les pages avec le plus grand soin.
La plupart des feuillets, à base de lin, semblaient couverts de pavés de prose, à l’écriture manuscrite gothique. Certains présentaient des cartes rudimentaires, d’autres des listes de noms, d’endroits, de dates et des informations que Reilly n’était pas en mesure de déchiffrer.
— Vous en êtes certain ? demanda l’agent du FBI. On ne nous laissera pas une seconde chance, vous savez.
— Quasiment. En fait, Simmons n’a jamais eu l’occasion de le voir, mais il est exactement tel qu’il l’a décrit, ça j’en suis sûr.
Reilly jeta un ultime coup d’œil sur les codex qui demeuraient sur l’étagère. Il savait qu’il devait se fier au jugement de Sharafi. De précieuses secondes s’écoulaient.
— OK. Fichons le camp.
A ce moment précis, un grognement sourd parvint jusqu’à eux. Reilly se figea. L’archiviste du Vatican revenait à lui. Essayant de repérer les caméras de surveillance qu’il aurait pu ne pas remarquer depuis leur arrivée dans la salle, Reilly rejoignit en courant l’ecclésiastique à l’instant où celui-ci se redressait. Bescondi s’appuya contre une étagère, s’épongeant le front des deux mains. Reilly se pencha vers lui et approcha son visage du sien.
Désorienté, l’archiviste lui jeta un regard effrayé.
— Que… que s’est-il passé ?
— Je ne sais pas vraiment, répondit Reilly en lui posant sur l’épaule une main rassurante. Vous vous êtes évanoui une seconde. Nous nous apprêtions à appeler à l’aide.
Lui qui avait horreur de mentir…
L’air éperdu, l’archiviste essayait de comprendre ce qui s’était passé. Reilly savait qu’il ne se rappellerait rien – pas tout de suite en tout cas. Car la mémoire lui reviendrait. Et rapidement.
— Restez là, reprit Reilly. Nous allons chercher de l’aide.
Bescondi opina du bonnet. L’agent du FBI adressa alors à Sharafi un bref signe de tête pour lui faire comprendre qu’il était temps de filer, et ses yeux désignèrent discrètement le manuscrit qu’il tenait toujours.
Comprenant le message, l’Iranien fourra le volumineux volume sous son bras, hors de vue de l’archiviste, qu’il contourna avant de suivre Reilly.
Ils atteignirent le sas. Les deux doubles portes coulissantes semblèrent les narguer tandis
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