La malédiction des templiers
décidément bien mal montée. Il savait en gros où ils étaient, mais la Ville sainte avait été bâtie sans véritable plan d’urbanisme : c’était un enchevêtrement de bâtiments, un labyrinthe de voies et de passages tortueux où se perdre paraissait inévitable, même si l’on possédait le plus remarquable sens de l’orientation qui soit. En l’absence d’une révélation miraculeuse, Reilly fit appel une fois de plus à son instinct de survie et se jeta en avant, fuyant le danger qui approchait. Précédant le professeur derrière une rangée de voitures garées sur leur droite, il s’engagea dans une rue étroite qui débouchait sur une vaste pelouse sillonnée par deux allées se croisant à angle droit, le Jardin Carré, lequel s’étendait devant un autre musée. Reilly se rendit alors compte qu’ils étaient coincés : policiers du Vatican et gardes suisses convergeaient vers eux de tous côtés. Ils sauteraient d’une seconde à l’autre sur les deux fugitifs qui, sans le moindre endroit où se réfugier, sans la moindre issue de secours, constituaient désormais une proie facile.
Reilly pivota sur lui-même, scrutant les alentours, refusant de se résoudre à l’inéluctable… et eut une illumination. Au cours de leur fuite éperdue, son cerveau avait continué de fonctionner, suffisamment en tout cas pour qu’il réalise où ils se trouvaient et ce qui leur tendait les bras, tout près, à un jet de pierre.
— Par là, fit-il, aiguillonnant le professeur en désignant du doigt l’autre extrémité du jardin, bordée par un haut mur en ciment dépourvu de la moindre ouverture.
— Vous êtes fou ? On ne pourra jamais escalader ce mur.
— Contentez-vous de me suivre, ordonna l’Américain.
Sharafi se précipita derrière lui et, juste avant qu’ils arrivent au mur, le sol s’ouvrit miraculeusement sous leurs pas, sous la forme d’une rampe bétonnée qui descendait en pente douce vers une sorte de structure souterraine.
— C’est quoi, là-dessous ? demanda le professeur en haletant.
— Le musée des Carrosses, répondit Reilly, le souffle court. Allez, on continue.
6
Parvenus en bas de la rampe, Reilly et le professeur iranien n’en cessèrent pas pour autant de courir.
Dernier ajout en date aux musées du Vatican, le musée des Carrosses était un vaste écrin en sous-sol qui faisait songer à une interminable galerie, disposition qui convenait parfaitement à Reilly. Il ralentit sa course en entrant dans la première salle d’exposition, laissant à son GPS mental une seconde pour se mettre en marche. L’espace qui l’entourait avait été conçu selon des lignes pures et modernes, en contraste saisissant avec les objets tapageurs qui y étaient exposés, depuis de somptueuses chaises à porteurs jusqu’à des carrosses du XIX e siècle, tout d’or, de velours et de soie damassée, collection étonnante de chefs-d’œuvre montés sur roues ou sur béquilles.
Le professeur regarda autour de lui, éperdu.
— Qu’est-ce qu’on fait là ? C’est un cul-de-sac et je ne crois pas que ces trucs puissent nous mener où que ce soit. A moins de trouver des chevaux, bien sûr.
— Nous ne sommes pas ici pour les carrosses, répondit sèchement Reilly, avant d’entraîner l’Iranien un peu plus loin.
Après les carrosses dorés, vint le tour des automobiles. Ils passèrent devant un trio de monstrueuses limousines noires des années 1930 qui semblaient tout droit sorties d’un film de gangsters, leur carrosserie faite main, leurs phares ronds comme des tambours et leurs pare-chocs démesurés rappelant une ère lointaine où l’élégance n’était pas un vain mot.
— On peut dire que vous me faites marcher, hein ? fit Sharafi en se permettant un petit rire.
Reilly était sur le point de répliquer quand il entendit du bruit venant de derrière, du côté de l’entrée. Un petit groupe de carabiniers et de gardes suisses fit irruption dans la salle d’exposition, bousculant les visiteurs apeurés. L’un des policiers repéra Reilly et l’Iranien derrière un groupe de touristes et, les pointant du doigt, entreprit d’alerter ses collègues à grands cris.
Reilly fronça les sourcils.
— Il ne faut pas perdre espoir, dit-il à Sharafi avant de reprendre sa course folle.
Il attira l’Iranien derrière un pousse-pousse blanc à trois roues – la tiare papale imprimée sur ses portières de toile –, puis dans la partie du musée
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