La malédiction des templiers
lui trop tôt. Reilly n’ignorait pas que cela pouvait arriver. La dose d’incapacitant qu’il lui avait administrée avait été intentionnellement assez faible. Il ne pouvait courir le risque de voir l’homme passer de vie à trépas, ni même tomber dans le coma, et avait donc été contraint de jouer la sécurité. Un peu trop, à l’évidence. Et voilà que, maintenant, il devait trouver un moyen de quitter la Ville sainte ; ils n’arriveraient jamais à rejoindre la voiture avec chauffeur qui les attendait devant le palais apostolique. D’ailleurs, même s’ils y parvenaient, quitter l’enclave vaticane avec une armée de flics à leurs trousses leur serait impossible.
— Par là ! cria-t-il à l’adresse de l’universitaire iranien.
Les deux hommes traversèrent à toutes jambes une autre pièce aussi fastueuse que les précédentes et se retrouvèrent dans les salles contemporaines de l’aile nouvellement ouverte du musée Chiaramonti. Les visiteurs étaient nombreux, transformant l’endroit en parcours d’obstacles constitué de personnes des deux sexes, de tous âges, toutes tailles et toutes corpulences, autour desquelles ils devaient slalomer, soulevant cris perçants et remarques indignées, conscients que toute collision ne pourrait être que désastreuse. Derrière, leurs poursuivants, qui avaient choisi de faire bloc, les talonnaient en fendant la foule sans états d’âme.
Voyant une grande entrée se profiler à droite, Reilly tourna dans cette direction mais s’arrêta net en voyant trois autres policiers se précipiter vers eux en franchissant les portes vitrées. Il jeta un coup d’œil sur sa gauche : de l’autre côté de la salle, une autre sortie faisait face à la précédente. Il se fraya un passage vers cette issue providentielle, l’Iranien juste derrière lui, et franchit les portes à toute allure pour se retrouver sur une plateforme à l’air libre, une sorte de terrasse en haut d’un magnifique escalier à double révolution.
La touffeur estivale lui sauta au visage.
Avalant avec avidité de grandes goulées d’air brûlant, l’agent du FBI se tourna vers Sharafi.
— Passez-moi le livre, lui dit-il, il ne peut que vous ralentir.
L’Iranien, étrangement calme, refusa de la tête, serrant plus fort l’objet contre sa poitrine.
— Ça ira. Vers où allons-nous ?
— Aucune idée, mais on ne peut pas rester là, répondit Reilly avant de dévaler l’escalier quatre à quatre.
Entendant le bruit de friture d’un talkie-walkie, il se pencha par-dessus la rampe de marbre, aperçut les casquettes de deux autres carabinieri , qui gravissaient les marches dans le but évident de prendre les fugitifs entre deux feux. Dans une seconde, deux tout au plus, ils se retrouveraient face à face. Pas idéal comme perspective.
Et merde.
Bandant tous ses muscles, Reilly prit deux pas d’élan, sauta par-dessus la balustrade, atterrit de tout son poids sur les deux hommes, les entraînant dans sa chute et laissant du même coup le champ libre à Sharafi.
— Continuez ! cria-t-il à l’adresse du professeur tandis que les deux policiers cherchaient à lui saisir bras et jambes.
En vain. Il parvint à se dégager et se retrouva bientôt en bas, à la suite de l’Iranien.
Côte à côte, ils franchirent au pas de course la pelouse soigneusement tondue de la cour centrale avant de se réfugier dans un passage voûté qui traversait le bâtiment pour déboucher à l’air libre sur le Stradone dei Giardini, une avenue bordée de chaque côté par de longues rangées de voitures. Reilly fit halte, laissant filer une poignée de précieuses secondes, observant les alentours, à l’affût de quelqu’un montant en voiture ou en sortant, quittant un scooter, une moto, n’importe quoi, priant pour qu’une occasion se présente de sauter sur un engin doté d’un moteur et de roues, afin de ficher le camp de là sans délai. Mais rien ne bougeait dans le voisinage, aucun bip-bip signalant une alarme en cours de désactivation, aucune cible potentielle. C’est alors qu’une autre escouade de carabiniers fit son apparition, se dirigeant vers eux au pas de charge depuis l’autre bout de la route, à une centaine de mètres tout au plus.
Reilly se creusa la cervelle, s’efforçant de retrouver quelques repères dans cette carte du Vatican qu’il n’avait pas eu le temps d’étudier avec le soin nécessaire avant de se lancer dans cette expédition
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