La malédiction des templiers
vous…
Une voix venant de la ruelle qui longeait la boutique l’interrompit :
— Yatağina dön.
La vieille femme sortit de l’ombre et, faisant signe à son fils de retourner se coucher, répéta d’un ton autoritaire :
— Yatağina dön. Bunu halledebiliriz.
L’homme hocha docilement la tête avant de refermer ses volets à contrecœur et de disparaître.
La femme se tourna alors vers Tess et la fixa sans un mot. La tension qui l’animait se lisait sur son visage, même à la pâle lueur de l’unique réverbère qui éclairait vaguement la rue, un peu plus bas. Elle fit un pas de côté : l’adolescente était là, derrière elle.
— Qu’est-ce qu’elle faisait devant notre hôtel ? interrogea Tess, toute vibrante d’impatience.
— Moins fort, siffla la vieille femme. Vous allez réveiller tout le monde.
Elle lâcha en rafale une phrase en turc et la jeune fille s’éclipsa.
— Hé ! s’exclama Tess en faisant un pas en avant. Où va-t-elle ?
— Elle n’a rien fait de mal, répliqua la femme. Vous devriez partir.
— Partir ? Mais je n’en ai pas la moindre intention. Je veux savoir pourquoi elle nous a suivis jusqu’à notre hôtel. Mais peut-être préférez-vous que nous signalions l’incident au commissariat et qu’elle s’explique avec les policiers ?
Cette remarque sembla déplaire profondément à la vieille femme.
— Non, pas de policiers, dit-elle.
Tess tendit alors vers elle ses mains ouvertes, d’un air interrogateur.
La femme plissa le front, visiblement tourmentée.
— Allez-vous-en, s’il vous plaît.
La façon dont elle venait de prononcer ces mots ouvrit à Tess de nouveaux horizons : elle avait tant souhaité protéger les codex qu’elle n’avait rien envisagé de positif.
Elle se rapprocha de la vieille femme et lui demanda, d’un ton radouci :
— Savez-vous quelque chose à propos de ces livres ?
— Non. Bien sûr que non.
Cette dénégation un peu trop rapide était loin d’être convaincante.
— Je vous en prie, insista Tess. Si vous savez quoi que ce soit… Vous devez savoir que d’autres personnes sont à la recherche de ces livres. Des meurtriers. Pour mettre la main dessus, ils n’ont pas hésité à assassiner beaucoup de gens. Et tout comme nous vous avons trouvés, ils pourraient tout à fait vous retrouver, eux aussi. Franchement, si vous savez quelque chose, vous devez nous le dire. Vous n’êtes plus en sécurité, à l’heure qu’il est.
La femme ne quittait pas Tess du regard, les lèvres pincées, le front plissé, les mains tremblant sensiblement malgré la température clémente, ses yeux trahissant le vif débat qui l’agitait.
— Je vous dis la vérité, dit Tess. Je vous en prie, faites-moi confiance.
Les secondes s’étirèrent, interminables, puis une décision parut s’imposer :
— Suivez-moi, lâcha-t-elle avant de faire demi-tour et de s’engager dans la ruelle.
La boutique occupait le rez-de-chaussée d’un petit immeuble en pierre, l’appartement des propriétaires se trouvant à l’étage. La vieille femme passa devant un escalier extérieur en bois, menant probablement à l’appartement, et s’arrêta devant une porte en chêne, à l’arrière du bâtiment. Ayant s’être débattue un moment avec ses clefs, elle ouvrit la porte et les précéda à l’intérieur.
Ils traversèrent une petite entrée et pénétrèrent dans une pièce plus grande, où la femme alluma un lampadaire, révélant une salle de séjour dont la porte-fenêtre donnait sur une cour intérieure. La pièce était bourrée d’objets de toutes sortes, souvenirs d’une longue vie bien remplie : des étagères surchargées ployaient sous le poids des livres, des photos encadrées et des vases. Autour d’une table basse, un sofa et deux fauteuils disparaissaient presque sous un amas de kilims et de coussins brodés, tandis que les murs étaient un véritable patchwork de petits tableaux et de vieilles photos de famille en noir et blanc.
— Je vais préparer du café, bougonna la vieille femme. Je sais que je vais en avoir besoin.
Elle quitta la pièce en traînant les pieds. L’instant d’après, Tess et Reilly entendirent des bruits de casserole, ceux d’un robinet que l’on ouvrait puis d’une allumette que l’on craquait, enfin le frêle sifflement d’un brûleur à gaz. Tess s’approcha pour regarder de plus près les photographies encadrées. Elle reconnut leur hôtesse,
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