La malédiction des templiers
cimeterre, lui permettant ainsi de l’attaquer sur son côté non protégé. Un avantage considérable. Conrad abattit son arme de toutes ses forces, la lame s’enfonçant profondément dans la cuisse de son adversaire, au point de la trancher presque net. Instinctivement, l’homme tira sur ses rênes, horrifié par le spectacle de ses muscles et de ses chairs à vif. Le chevalier franc ne lui laissa pas le temps de souffler. Avant même que son adversaire ait pu réaliser qu’il était sur lui, il lui administra un coup plus violent encore, lui ouvrant le dos avant de le désarçonner et de l’achever d’un ultime coup de cimeterre.
C’est alors que le carreau le frappa à l’épaule, par-derrière.
S’enfonçant profondément dans sa chair. Sans un bruit.
Sous l’impact, Conrad fit quelques pas chancelants, avant de se retourner avec lourdeur. Kacem était descendu de cheval et, debout près de sa monture, regardait Conrad, son arbalète à la main. Il la jeta par terre, sortit son cimeterre et se dirigea vers le chevalier franc, le front plissé, les lèvres serrées, une lueur diabolique au fond des yeux.
Conrad se savait en mauvaise posture. La flèche l’avait atteint à l’épaule droite. Son bon bras. Le seul, l’unique. Celui qui lui permettait de manier son épée. Le carreau était fermement fiché dans son omoplate, le moindre mouvement déclenchant une douleur insupportable.
Une douleur qu’il devrait ignorer s’il voulait rester en vie.
Les yeux rivés sur son adversaire, Kacem continuait d’avancer lentement vers lui, tenant son arme prête. Puis il se mit à trottiner dans sa direction, avant de courir franchement : avec un hurlement bestial, il leva son cimeterre et l’abattit sur Conrad en bondissant sur lui, emporté par son élan.
Le chevalier franc se déporta sur le côté, se mettant hors d’atteinte et bloquant le coup de son arme. Les deux lames s’entrechoquèrent avec un bruit sourd, le choc se répercutant dans le corps de Conrad et envoyant dans son épaule une onde de douleur identique à celle due à un fer porté au rouge. Il sentit ses genoux sur le point de le lâcher, se ressaisit. Il ne devait pas permettre à la souffrance de prendre le dessus et de le paralyser. Kacem fit un tour sur lui-même et frappa de nouveau, sa lame décrivant un arc de cercle avant de croiser de nouveau avec force celle de son adversaire.
Le troisième coup fit sauter le cimeterre de la main du guerrier franc, ses doigts se révélant incapables d’ignorer plus longtemps la douleur dans son épaule.
Kacem s’immobilisa, le sourire aux lèvres. Ses yeux tombèrent sur le poignard attaché à l’avant-bras de Conrad et son sourire se transforma en rire moqueur.
— Je me demande ce qui est le mieux : te tuer ou me contenter de couper ton autre main – tes pieds aussi, peut-être – et te laisser survivre comme un misérable, un pathétique ver de terre, ricana-t-il. C’est peut-être ce que je vais vous faire, à tous les deux…
Les jambes de Conrad cédèrent et il tomba à genoux. Il avait du mal à respirer et sentait le goût du sang dans sa bouche. Son cœur lui manqua quand il comprit ce qu’il en était : le carreau d’arbalète ne s’était pas seulement logé dans son épaule, il lui avait également transpercé le poumon.
Et il savait pertinemment comment cela allait se terminer.
Il avait trop souvent été témoin de ce qu’il advenait après une telle blessure.
Il leva les yeux vers le jeune Turc, vit à son expression que lui aussi avait compris le sort qui l’attendait. Kacem soutint son regard un moment puis leva son cimeterre, comme l’aurait fait un bourreau, et le tint ainsi dressé au-dessus de sa tête.
— Et puis au diable tout cela. Je crois que je vais faire ça avant que tu me prives du plaisir de…
Il n’eut pas le loisir d’achever sa phrase : ses traits se crispèrent soudain. Quelque chose venait de le heurter brutalement dans le dos.
Un carreau d’arbalète.
Il baissa les yeux sur la pointe de flèche qui sortait de sa poitrine, son visage exprimant une totale stupéfaction. Il se retourna, lentement. Conrad suivit son regard.
Maysoun se trouvait au milieu de la clairière, près du cheval de son frère.
Elle tenait une arbalète à la main.
Son expression reflétait une douleur intense.
La femme avec qui ils avaient travaillé dans les champs, celle que les Turcs avaient prise en otage, se trouvait à ses côtés.
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