La malédiction des templiers
Serrant dans sa main une poignée de carreaux.
Kacem fit un pas en avant, vers elle, mais Conrad n’était pas prêt à lui laisser la moindre chance. Il mobilisa toutes ses forces pour obliger ses jambes à le soutenir et parvint à se relever, se laissa tomber sur le Turc et lui plongea son poignard dans le dos, tournant l’arme en tous sens pour s’assurer que celle-ci ferait un maximum de dégâts.
Les deux hommes s’écroulèrent dans une mêlée indistincte, le sang se mélangeant à la poussière.
Le Turc fut saisi de spasmes l’espace de quelques secondes, durant lesquelles il ne cessa de fixer Conrad de ses yeux écarquillés dans lesquels on lisait une rage silencieuse. Il rendit l’âme après un ultime frémissement.
Conrad laissa sa tête partir en arrière et contempla le ciel. Puis Maysoun le rejoignit. Elle prit son visage entre ses mains, passant ses doigts dans sa chevelure, des larmes baignant son visage.
— Ne m’abandonne pas, le supplia-t-elle en sanglotant.
— Jamais, répondit-il, sachant pertinemment qu’il mentait.
Du sang coulait des commissures de ses lèvres et son souffle se faisait plus irrégulier. L’air qu’il avait tant de mal à inspirer s’échappait avant d’avoir pu remplir son office.
— Veille sur eux, murmura-t-il. Trouve un moyen. Mais veille sur eux. Et peut-être qu’un jour quelqu’un sera en mesure de faire ce que nous avons été incapables de mener à bien…
— Je le ferai, je te le promets. Je le ferai.
Alors, incroyablement vite, les lèvres du chevalier franc bleuirent, sa peau devint toute pâle. Sa bouche se fit plus lourde, ses mots devinrent de plus en plus indistincts.
Et il passa de vie à trépas.
57
— Ils l’ont enterré là, dans l’église. Puis elle est venue s’installer à Konya, poursuivit la vieille femme. Elle est devenue membre d’une tekke . Et durant les mois qui ont suivi, elle est souvent retournée dans cette grotte, seule, emmenant avec elle un cheval de bât, et elle en a rapporté les textes, en petit nombre à chaque fois. Elle les a gardés bien cachés, n’en a parlé à personne. Et puis, des années plus tard, elle a rencontré quelqu’un.
— Un drapier, supputa Tess.
Fascinée, elle buvait littéralement chaque mot de leur hôtesse.
— Oui. Il faisait partie de la même loge. Elle s’est confiée à lui, lui a raconté son secret et ils ont fini par se marier. Ils ont entamé une nouvelle vie ici, à Konya.
Un sourire mélancolique adoucit ses traits.
— C’étaient mes ancêtres.
— Donc la fresque, les vers du poème… Ils sont venus après ? demanda Tess.
La vieille femme acquiesça de la tête.
— Oui. Elle y est retournée et les a fait ajouter longtemps après. Dans l’église où Conrad a été enterré, comme vous l’avez vu.
— Et comment savez-vous tout cela ? intervint Reilly.
Leur hôtesse se leva péniblement pour aller fouiller dans un bureau, y récupérant une petite clef dont elle se servit pour ouvrir l’un des tiroirs du meuble. Elle en sortit un document plié qu’elle montra à Tess.
Il s’agissait d’une série de feuillets manuscrits, jaunis par le temps. Tess fut incapable de les lire car ils étaient couverts d’une écriture serrée en caractères arabes.
— Ce dossier raconte toute l’histoire, dit la vieille femme. Il s’est transmis de génération en génération, durant plus de sept cents ans.
— Et durant tout ce temps, les textes sont restés cachés ? s’étonna Tess.
— Maysoun avait promis à Conrad de les garder en sûreté et d’essayer de les partager avec le monde entier. Mais il lui était impossible de tenir sa promesse. Pas à cette époque. Orient et Occident étaient dressés l’un contre l’autre. Dans ces terres, les Seldjoukides étaient sur le point de céder la place aux Ottomans et à leurs « guerriers de la foi ». Ils allaient par la suite fonder un empire islamique, et la dernière chose que pouvait souhaiter Maysoun, c’était que ces textes soient utilisés comme des armes pour discréditer une croyance rivale.
Tess regarda Reilly. Lui aussi avait capté l’écho dans les paroles de leur hôtesse. Il adressa à sa compagne un petit signe de tête aussi discret qu’entendu qui fit accélérer son rythme cardiaque.
Leur manège n’avait pas échappé à la vieille femme, qui eut un petit sourire mélancolique avant de déclarer d’une voix empreinte de tristesse :
— Elle ne
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