La malédiction des templiers
savait pas non plus vers qui se tourner en Occident. Les Templiers avaient disparu, bien sûr. Et l’Eglise était terriblement puissante, à l’époque. Personne, pas même un roi, n’aurait eu l’audace de se faire le champion d’une doctrine qui aurait mis en péril sa prééminence.
— Donc ces textes ont été conservés… ici ?
— Oui. Gardés en lieu sûr, en attendant le moment propice.
Tess sentit sa gorge se nouer. Elle devait poser la question, une fois encore :
— Ici ?
La vieille femme fit oui de la tête.
— On peut les voir ? s’enquit Tess d’une voix rauque.
D’abord, la vieille femme ne répondit pas. Puis une fois de plus elle rejoignit le bureau, où elle récupéra un trousseau de clefs. Après quoi elle se retourna pour faire face à ses hôtes.
— Venez.
Elle les précéda dans un étroit couloir qui donnait d’un côté sur la cuisine et, au bout, sur ce qui ressemblait à une chambre à coucher. La pièce était plus basse de plafond que le salon et l’un de ses murs était occupé par des placards. Sur celui d’en face, un kilim était accroché à une tringle en laiton. La vieille femme ouvrit la porte d’un placard, y prit une lampe torche puis s’approcha du kilim et le repoussa sur le côté. Derrière, creusé dans la paroi et guère visible dans l’obscurité, se trouvait un escalier à vis à peine plus large que les épaules d’un homme. La vieille femme pénétra dans la niche et descendit précautionneusement les hautes marches, prenant appui contre la paroi incurvée, la lumière de sa lampe se reflétant sur sa surface rugueuse, criblée de trous. Tess et Reilly la suivirent. L’escalier débouchait sur un tunnel tout aussi étroit. Il ressemblait fort à ceux qu’ils avaient empruntés dans la ville troglodyte où ils s’étaient retrouvés prisonniers, et Tess se demanda si celui-ci datait de la même époque. Ils passèrent devant une succession de vieilles portes en bois ouvrant sur un côté du tunnel. La vieille Turque s’arrêta devant la dernière et la déverrouilla avant d’entrer en leur faisant signe de la suivre.
Ils se retrouvèrent dans une pièce minuscule, basse de plafond, qui tenait plus du cagibi que d’autre chose. La température y était agréable comme dans les salles de la ville souterraine – l’humidité en moins –, contraste saisissant avec la touffeur qui régnait en surface.
Tess regarda autour d’elle, et ce qu’elle vit lui coupa littéralement le souffle.
Tous les murs, à l’exception de celui occupé par la porte, étaient couverts d’étagères. Et celles-ci, à leur tour, étaient couvertes de livres. De livres anciens. Petits, reliés de cuir, toute une série de codex, les plus vieux ouvrages de la planète : des évangiles vieux de deux mille ans, remontant aux premiers temps de l’Eglise.
Il y en avait des dizaines et des dizaines.
Tess n’en croyait pas ses yeux et c’est tout juste si elle parvint à balbutier « Je peux ? » en désignant du doigt l’un des ouvrages.
D’un geste résigné, la vieille femme lui fit signe de se servir.
Tess ne se fit pas prier : le livre était similaire aux deux codex qu’elle avait dénichés dans la tombe de Conrad. Même reliure en cuir, même rabat, même lanière tout autour. Celui-ci paraissait lui aussi en très bon état. Après une courte hésitation, elle défit la lanière et ouvrit le livre : le lettrage était lui aussi identique, écrit en koinè .
Elle traduisit mentalement la page de titre : « L’Evangile d’Eve. » Tess en ignorait tout. La vieille femme la regarda d’un air légèrement perplexe avant de lui lancer :
— Je me suis intéressée à celui-là, moi aussi. Mais ce n’est pas l’Eve que vous croyez.
Tess la regarda, surprise.
— Vous savez ce qu’il y a dans ces livres ? s’étonna-t-elle. Vous les avez lus ?
— Non, pas vraiment. Je me suis contentée d’apprendre toute seule un peu de copte et de grec ancien par-ci par-là, et j’ai réussi à traduire les titres de ces livres, histoire de me faire une idée de leur contenu. Mais les langues dans lesquelles ils sont écrits dépassent de loin mes compétences.
Une question brûlait les lèvres de Tess :
— Si je vous cite un texte précis, vous pourrez me dire s’il se trouve là ou pas ?
La vieille femme haussa les épaules.
— Oui, probablement, répondit-elle.
Tess inspira profondément, prenant son
Weitere Kostenlose Bücher