La malédiction des templiers

élan :
    — Il y a quelques années, j’ai eu entre les mains quelque chose que je croyais être le journal de Jésus. Ecrit de sa propre main.
    — Vous l’avez vu ? demanda la vieille femme en écarquillant les yeux.
    — Oui, mais j’ai été incapable de dire s’il s’agissait d’un original ou d’un faux. Et je n’ai jamais eu l’occasion d’effectuer des tests de laboratoire pour m’en assurer. Vous connaissez ce texte ? Vous pourriez dire s’il était authentique ?
    La maîtresse des lieux sourit et secoua la tête.
    — Non. C’était un faux.
    Son assurance stupéfia Tess.
    — Comment pouvez-vous en être sûre ? demanda-t-elle.
    — A cause de la lettre de Maysoun. Conrad lui a tout raconté sur cette affaire.
    La vieille femme s’interrompit et remit de l’ordre dans ses pensées avant d’ajouter :
    — Ils n’ont pu le fabriquer que parce qu’ils disposaient de tout ça.
    Et, d’un large geste de la main, elle montra les étagères qui les entouraient.
    — Attendez un peu… vous voulez dire que les Templiers étaient depuis le début au courant de l’existence de ces textes ?
    — S’ils étaient au courant ? Jamais ils n’auraient existé sans eux. C’est comme cela que tout a commencé. Avec les premiers gardiens de ce trésor, les hommes qui ont veillé dessus et l’ont conservé en sécurité, caché dans la Bibliothèque impériale de Constantinople. Tout cela était soigneusement planifié.
    — Vous voulez dire que l’ordre des Templiers a vu le jour à Constantinople ?
    La vieille femme opina.
    — Les gardiens veillaient sur le trésor d’Osius depuis des siècles, en fait depuis qu’Osius l’avait sauvé de l’autodafé et l’avait transporté en secret à Constantinople. Les gardiens ont donc veillé sur lui en attendant le moment propice pour le rendre public et le partager avec le monde entier. Mais il semble bien que ce moment ne soit jamais arrivé… A la fin du premier millénaire, le monde a pris une tournure plus sombre. Le pape n’était plus contrôlable. Et lorsqu’il a émis l’idée d’une sainte croisade, ordonnant aux chrétiens de partir en guerre et de tuer au nom du Christ, ils ont compris que l’homme avait complètement perdu la tête. Le message de Jésus avait été totalement dénaturé. Mais les croisés remportaient des batailles et donnaient au pape une puissance accrue. Avec le contrôle de la Terre sainte et tous les monarques d’Europe qui lui baisaient les pieds, il était sur le point de devenir omnipotent et de dominer l’ensemble du monde connu, ou presque. Horrifiés par ce qui était en train de se passer, les gardiens du trésor ont eu le sentiment qu’ils devaient agir. Ils devaient trouver un moyen pour limiter son pouvoir. Le plan qu’ils ont concocté était terriblement audacieux : ils ont en effet décidé de mettre sur pied un contre-pouvoir, une organisation militaire susceptible de contrecarrer la suprématie de Rome et de l’empêcher d’accroître encore son influence. Ils disposaient de tout ça pour élaborer leur projet, fit-elle en désignant l’extraordinaire collection de manuscrits. La menace de rendre ces textes publics aurait probablement suffi à affoler le pape et à le contraindre à leur accorder ce qu’ils voulaient, mais ils ont eu le sentiment qu’ils devaient aller encore au-delà. Pour avoir la certitude que leurs vœux seraient exaucés. Ils avaient besoin d’un livre de plus. Un texte d’une puissance extraordinaire, qui terrifierait Rome et l’obligerait à se soumettre. Ils ont donc décidé de créer l’évangile suprême.
    — Le journal intime de Jésus, fit Tess.
    — Exactement, répondit la vieille femme en hochant la tête.
    Tess regarda Reilly et les instants fatidiques qu’ils avaient vécus quelques années plus tôt leur revinrent en mémoire : tous les deux, au bord de cette falaise. Regardant les pages de vélin tomber en tournoyant, avalées l’une après l’autre par l’onde écumante. La réponse qu’ils n’avaient jamais obtenue. Jusqu’à présent…
    La vieille femme poursuivit :
    — Ils disposaient de toute cette matière pour réaliser leur projet, pour créer de toutes pièces leur chef-d’œuvre, pour faire en sorte qu’il soit impeccable. Il fallait en outre que leur trouvaille soit incontestable. Après tout, ces ouvrages sont tous parfaitement authentiques, il était donc naturel que le journal intime de Jésus