La malédiction des templiers

s’était fixé. Pas comme ça, il est vrai. Cela ne faisait pas partie du contrat. Des gens étaient morts, des innocents qu’il n’avait aucun droit d’impliquer dans ce qui était son affaire, et cela, rien ne pourrait le racheter.
    Lisant sur son visage les tourments qui agitaient son collègue, Tilden décida d’intervenir :
    — Avec tout le respect que je vous dois, ispettore , je pense que nous devrions d’abord prendre connaissance de l’ensemble des faits avant que l’un de nous prononce des paroles qu’il pourrait regretter par la suite.
    — Vous m’en voyez d’accord, fit une voix flûtée.
    Le cardinal Brugnone venait d’entrer. Il était accompagné de Mgr Bescondi, préfet des Archives secrètes du Vatican, apparemment rétabli de la piqûre que lui avait administrée Reilly. Les deux prélats n’esquissèrent pas le moindre sourire.
    Reilly eut quelque difficulté à les regarder dans les yeux.
    — Nous devons être mis au courant de tous les faits susceptibles d’expliquer cet acte scandaleux, grommela Brugnone. Agent Reilly, pourquoi avoir caché ce que vous auriez dû nous dire lorsque vous êtes arrivé ici ?
    Reilly sentit pointer les prémices d’une monstrueuse migraine.
    — Je vous dirai tout ce que je sais, mais je ne maîtrise pas moi-même la totalité des faits. Pour avoir une meilleure vision d’ensemble, il serait bon que nous allions écouter ce que Tess, Mme Chaykin, qui se trouve à côté, a à nous dire.
    — Pourquoi ne pas l’inviter à se joindre à nous ? suggéra le cardinal.
    — Je ne suis pas sûr qu’elle soit en mesure de le faire, dit Reilly.
    Le prélat le fixa d’un regard grave.
    — Et si nous lui demandions son avis ?
    1 - Drug Enforcement Agency : l’organisme fédéral américain chargé de lutter contre le trafic de drogue et de réprimer ses organisateurs.

11
    — Tout a commencé en Jordanie, expliqua Tess au groupe d’hommes présent dans la pièce.
    Parler était la dernière chose qu’elle eût envie de faire. Elle était vidée, et ressasser le souvenir du calvaire qu’elle venait d’endurer lui donnait le frisson. Mais elle se rendait compte que son témoignage était important. Les hommes rassemblés là – Reilly, le cardinal Brugnone, l’inspecteur Delpiero, l’archiviste Bescondi et les deux policiers de l’unité antiterroriste –, tous avaient besoin de savoir ce qu’elle avait subi. Elle devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour les aider à mettre la main sur le type qui était derrière toute cette affaire, et à sauver Simmons, qui était sûrement toujours vivant, du moins l’espérait-elle. Pour combien de temps encore ? Elle n’avait pas vraiment envie d’y songer.
    — J’étais là-bas avec un autre archéologue, Jed Simmons. Il fouille un site non loin de Pétra, avec le soutien financier de Brown et…
    Elle s’arrêta net, s’obligeant à s’en tenir à ce qui était pertinent et à ne pas se perdre dans des détails.
    — Bref, cet historien iranien s’est pointé ; il connaissait quelqu’un qui connaissait Jed.
    — Behrouz Sharafi, intervint Reilly.
    Tess opina de la tête.
    — Oui. Un type calme, gentil. Sérieux et extrêmement cultivé.
    Reilly l’avait informée du sort qui lui avait été réservé, et l’idée qu’il était mort ne fit qu’accentuer ses frissons. Elle fit un effort pour se reprendre et poursuivit :
    — Sharafi avait besoin d’aide pour résoudre une énigme. L’un de ses contacts lui avait suggéré d’en parler à Jed parce que… parce que, même si le travail de Jed à Pétra avait trait à l’histoire de la culture nabatéenne, c’est aussi l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de tout ce qui touche aux Templiers. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’étais moi-même allée le voir là-bas.
    Elle vit Brugnone s’agiter sur son siège et jeter à Reilly un regard de biais, comme si les pièces d’un puzzle commençaient pour lui à se mettre en place.
    — Tess – Mme Chaykin – est archéologue, expliqua Reilly à l’assistance. Ou plus précisément elle l’était avant de se défroquer, si vous me permettez cette expression en ce lieu. Elle est aujourd’hui romancière. Et son premier ouvrage avait les Templiers pour sujet.
    — Une fiction historique, précisa Tess, sentant soudain les parois de la pièce se resserrer autour d’elle.
    Promenant un regard circulaire sur la petite assemblée, elle