La malédiction des templiers
le roi de France Philippe le Bel, avait des tas de raisons de vouloir leur perte. La cupidité et la jalousie ont joué un rôle énorme. Philippe leur devait beaucoup d’argent, or il était fauché comme les blés et, par ailleurs, outré de leur arrogance et de leur absolu manque de respect à son égard. Mais au-delà de ces contingences, il se considérait sincèrement comme le plus chrétien des monarques de son temps, le meilleur défenseur de la foi, et ce plus encore après la mort de son épouse, en 1307. C’est cette année-là qu’il donna l’ordre d’arrêter les Templiers, à une époque où il avait trouvé refuge dans une religiosité empreinte d’égocentrisme dont il ne devait plus jamais sortir. Il se voyait comme un homme choisi par Dieu pour exécuter Sa volonté sur toute l’étendue de la terre et protéger Son peuple de l’hérésie. Il avait l’intention de lancer une nouvelle croisade. Et, tout comme ses conseillers, il n’arrivait pas à comprendre comment ces Templiers pouvaient faire preuve d’un tel dédain, d’une telle arrogance envers l’élu de Dieu, si ce n’était avec le soutien de quelque puissance démoniaque.
Reilly eut un rire sarcastique.
— C’est vraiment ce qu’ils croyaient ?
— Absolument. Si les Templiers avaient conclu un pacte avec le démon, s’ils disposaient d’un savoir susceptible de transformer le monde, et d’arracher le pouvoir des mains de ceux qui le détenaient, alors il fallait les abattre. Ce qui est moins saugrenu qu’il n’y paraît. Le savoir confère le pouvoir, de multiples manières, et les armes fournies par les puissances occultes se retrouvent fréquemment dans l’Histoire, qui n’est pas avare de mégalomanes en quête d’atouts dans ce registre, de ces pouvoirs divins, de ces connaissances ésotériques qui vont leur permettre de conquérir le monde. Hitler était obsédé par l’occultisme. Les nazis étaient subjugués par la magie noire, les runes, et pas seulement dans Les Aventuriers de l’Arche perdue . Mussolini avait son occultiste personnel, un type assez frappé dénommé Julius Evola. Tu serais surpris par les superstitions et les croyances délirantes que bon nombre de dirigeants de ce monde prennent au sérieux, aujourd’hui encore.
Reilly commençait à avoir la tête lourde.
— Et donc ces coffres…
— « L’œuvre du démon, rédigée de sa main à l’aide d’un poison tiré des tréfonds de l’enfer, et dont l’existence maudite pourrait ébranler le socle même sur lequel a été érigé notre monde », lui rappela Tess. Qu’est-ce qui, dans ces livres, a effrayé les moines à ce point ? Pourrait-il y avoir quelque fondement à ces accusations contre les Templiers ? Etaient-ils réellement des occultistes pratiquant la magie noire ?
Reilly fit la moue.
— Allons donc. Tout ceci reposait essentiellement sur des métaphores, remarqua-t-il avant de s’interrompre en repensant soudain à sa précédente rencontre avec Brugnone, trois ans plus tôt. Il existe bien d’autres œuvres qui auraient été susceptibles de bouleverser l’univers d’un moine, non ?
— Si, bien sûr, admit Tess. Mais il faut garder l’esprit ouvert. Tiens, un exemple, signalé par Jed. Les Templiers étaient nombreux en Espagne et au Portugal, comme tu le sais. Eh bien, au XIII e siècle, à un moment donné, ils ont eu des ennuis et ont dû gager la plupart des biens qu’ils détenaient en Castille. De toutes les propriétés immobilières qu’ils avaient là, ils n’en ont gardé qu’une, une petite église insignifiante perdue au milieu de nulle part. Cela n’avait aucun sens. Elle n’était pas située dans un lieu stratégique. Les terres alentour ne produisaient pas de revenus suffisants pour permettre aux moines qui les cultivaient d’envoyer des fonds à leurs frères en Terre sainte. Pourtant, ce fut la seule encomienda , la seule enclave qu’ils décidèrent de conserver. Ce qui n’apparut pas tout de suite avec évidence, c’est que cette petite église avait un atout non négligeable : son emplacement. Les Templiers l’avaient érigée en plein centre de l’Espagne, en un lieu équidistant de ses caps les plus éloignés. Et quand je dis « équidistant », c’était au mètre près.
— Allons donc ! s’étonna Reilly. Que veux-tu dire par « au mètre près » ? Comment ont-ils pu calculer cela il y a, quoi, sept cents ans ? Même de nos jours, avec un
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