La malédiction des templiers
le conseil et abandonna le véhicule de location le long du hangar. Les turbopropulseurs du Cessna commençaient à vrombir tandis qu’il se dirigeait vers l’appareil ; il était sur le point de l’atteindre quand il vit un homme vêtu d’un tee-shirt blanc, d’un pantalon noir taille XXL retenu par des bretelles, et chaussé de grosses bottes de travail en cuir sortir du bâtiment de la tour. Le pantalon semblait être muni d’une bande réfléchissante le long de chaque jambe. L’homme tenait des papiers à la main et donnait l’impression d’être pressé. Plus encore : son comportement trahissait une certaine nervosité. Il grimpa sur une bicyclette hors d’âge et se mit à pédaler dans leur direction.
Zahed atteignit l’avion avant lui et grimpa la passerelle. Il trouva Steyl dans le cockpit, abaissant et relevant des manettes tout en vérifiant sa check-list, et désigna l’homme du doigt, derrière la vitre côté pilote.
— Qui est ce type ?
— Un pompier. Il faut toujours qu’il y en ait un sur place, histoire de justifier les charges qu’on nous impose pour leur présence. Et comme les risques qu’ils aient à faire face à un incendie sont pratiquement nuls, on utilise également leurs services pour ramasser les canettes vides et donner un coup de main au gars de la tour de contrôle pour la paperasse. Je le connais, celui-là : c’est un enquiquineur, mais il ne pose pas trop de problèmes à condition qu’on allonge la thune.
Zahed se raidit.
— Qu’est-ce qu’il veut ?
Steyl étudia l’homme plus attentivement.
— J’en sais fichtre rien. Je lui ai déjà réglé les frais de stationnement et je lui ai donné notre plan de vol.
Sous leurs yeux attentifs, le pompier s’arrêta devant l’avion, puis leva la main droite et la passa horizontalement sur sa gorge, de gauche à droite, comme s’il tranchait quelque chose – geste en vigueur chez tous les aviateurs indiquant au pilote de couper ses moteurs. De la tête, Steyl fit signe qu’il avait compris et s’exécuta.
— Débarrassez-vous de lui, ordonna Zahed.
Le pilote quitta le cockpit et Zahed le suivit jusqu’à la porte de la cabine.
Le pompier, entre deux âges, à moitié chauve et secoué de tics, gravit la passerelle rétractable, s’arrêta sur la dernière marche et jeta un coup d’œil dans la cabine. Il sentait la cigarette à plein nez, et son tee-shirt présentait de larges auréoles de transpiration aux aisselles. Il paraissait dans tous ses états, mais également un peu hébété, comme si quelqu’un venait de le réveiller en lui hurlant dans les oreilles. Il brandit ses documents vers Steyl.
— Mi scusi, signore , fit-il en respirant bruyamment, des gouttes de sueur perlant à son front. Je m’excuse pour le dérangement mais… poursuivit-il, cherchant non sans difficulté les mots justes, vous savez sans doute qu’il y a eu hier à Rome un gros attentat terroriste. Alors on nous a demandé de vérifier les passeports de tous les gens qui arrivaient dans cet aérodrome ou qui en repartaient, et de remplir ces papiers.
Steyl le fixa un moment, puis, après un regard oblique à Zahed, le gratifia d’un large sourire.
— Aucun problème, l’ami. Pas de souci. Ce monsieur souhaiterait voir votre passeport, dit-il en se tournant vers Zahed. Vous pouvez le lui montrer ?
— Mais bien sûr, répondit poliment Zahed.
Le pilote pointa le doigt en direction du cockpit et, parlant au pompier en détachant lentement ses mots :
— Je vais chercher le mien dans mon sac, OK ?
L’homme opina du chef et épongea son front à l’aide d’un mouchoir.
— Grazie mille.
De son côté, Zahed rejoignit le fond de la cabine, retrouva sa serviette et farfouilla parmi les passeports – tous aussi faux. Celui qu’il sélectionna pour lui, parmi une poignée d’autres de différentes nationalités, était saoudien. Celui qu’il avait fait confectionner hâtivement pour Simmons le présentait comme étant citoyen du Monténégro, tout comme ceux qu’il avait fait faire pour Tess Chaykin et Behrouz Sharafi, cela grâce à un gros paquet de passeports en blanc acquis par l’entremise d’un employé corrompu du ministère de l’Intérieur monténégrin. Zahed n’avait pas eu à se servir de ces documents à leur arrivée. Quarante-huit heures plus tôt, peu après avoir atterri, Steyl avait bouclé la porte du Cessna et l’avait quitté comme s’il en était l’unique
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