La malédiction des templiers
vérifier la position du soleil et fit un rapide calcul mental pour apprécier la direction qu’ils avaient prise.
— … vers le sud, je pense.
Fidèle à sa réputation, Aparo passa de la franche jovialité au sérieux le plus absolu, comme si un hypnotiseur venait de claquer dans ses doigts.
— Quelle cible ? demanda-t-il d’une voix tendue. Le poseur de bombes ?
— Oui. Magne-toi de passer ce coup de fil, s’il te plaît.
Le ton d’Aparo se fit survolté :
— Ne quitte pas, je l’appelle sur une autre ligne. Quelle voiture conduit ce salopard ?
— Je ne sais pas trop, je n’ai pas eu le temps de bien la voir. Mais on ne devrait pas avoir trop de mal à le repérer, à l’allure à laquelle il roule.
— OK. Ne quitte pas. Ça sonne.
Reilly pressa le bouton « haut-parleur » et jeta le portable sur le siège passager. De l’autre côté, sur la voie menant vers le nord, les véhicules pris dans l’énorme embouteillage défilaient à une vitesse vertigineuse. Tout en conservant approximativement un tracé en ligne droite, la route serpentait un peu, avec des virages vers la gauche et vers la droite, et Reilly sentit son pouls s’accélérer en voyant la berline blanche faire un brusque écart sur la gauche pour doubler un dolmuş , un de ces taxis collectifs très répandus en Turquie comme dans tout le Proche-Orient. Lent et bondé, celui-ci roulait à cheval sur la ligne discontinue séparant les deux voies. La manœuvre du terroriste réussit mais le taxi l’avait retardé. Cette ordure se trouvait désormais tout près. Reilly actionna les phares de la Kia, klaxonna et doubla à toute allure le dolmuş , gagnant un précieux terrain sur la berline blanche, dont il pouvait maintenant distinguer la marque : une Ford.
Ses doigts se raffermirent sur le volant : leur proie était dorénavant à portée. Devant, un peu plus loin, se profila le premier des deux ponts qui traversaient la Corne d’Or. Reilly s’approcha encore de la Mondeo lorsque celle-ci fut contrainte de ralentir pour aborder la bretelle de l’échangeur qui permettait de déboucher sur le pont Atatürk. Celui-ci était vieillot et évoquait plus une chaussée qu’un pont. Posé sur des piliers en béton, il était constitué de deux voies dans chaque sens, et d’un étroit passage pour piétons de chaque côté. Le trafic y était très dense, ce qui ralentit considérablement la Mondeo et permit à Reilly de pratiquement rejoindre le fuyard qui slalomait au milieu des voitures et camions au grand effroi de leurs conducteurs, obligés de lui dégager la route.
— On traverse un pont, je me trouve juste derrière lui ! hurla Reilly en se penchant vers le BlackBerry, avec un grand coup de volant pour éviter un véhicule plus lent. Je vois une vieille tour de l’autre côté, sur la droite, apparemment le vestige d’un vieux château…
— Bien reçu, répondit Aparo, dont la voix était assourdie par la position du téléphone portable, sur le siège passager. Ertugrul passe l’info à un flic du coin qui est avec lui. Ne quitte pas, mon pote.
Ça va trop vite, songea Reilly. Je vais devoir agir seul.
— C’est la tour de Galata, reprit Aparo, aussi hors d’haleine que son coéquipier. Ils ont repéré ta position. Tiens bon.
Pied au plancher, Reilly continua de foncer, toujours à quelques mètres des feux arrière de la Mondeo, jusqu’à la heurter rudement. La berline blanche oscilla de droite à gauche avant de reprendre son assiette.
Reilly enfonça une fois encore la pédale, prêt à recommencer.
La Kia était maintenant si proche que Mansour Zahed pouvait voir la haine qui étincelait dans les yeux de Reilly.
— Madar jendeh, jura-t-il une fois de plus en regardant le break bleu qui grossissait démesurément dans son rétroviseur.
Il accéléra et fit un brusque écart, s’insérant entre deux véhicules plus lents pour éviter d’être de nouveau tamponné par le break.
Il vit celui-ci perdre du terrain tandis que les voitures qui le suivaient ralentissaient pour rejoindre leurs voies respectives.
Cet Américain est littéralement possédé. Il ne va pas être facile à semer. Pas maintenant. Pas après tout ça.
Zahed savait que la circulation risquait fort de s’arrêter de nouveau une fois le pont quitté. Il devait prendre une initiative quelconque, et sur-le-champ s’il voulait éviter une nouvelle course-poursuite avec ce chien courant qui lui soufflait
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