La malédiction des templiers
de son conducteur lui confirma qu’il s’agissait bel et bien de Reilly.
Madar jendeh, jura-t-il entre ses dents tout en enfonçant un peu plus la pédale d’accélérateur et en serrant le volant à s’en blanchir les jointures.
En arrivant à un carrefour très animé, il freina d’un coup sec avant de klaxonner à tout va et de passer en trombe. Il garda les yeux rivés sur son rétroviseur l’espace de deux battements de cœur avant d’entendre le son caractéristique, légèrement déformé par la distance, d’un avertisseur de voiture et de voir la Volkswagen émerger du chaos du carrefour et continuer à le pourchasser comme un fox-terrier en furie.
Il traversa sur le même rythme deux autres intersections, refusant la priorité à des automobilistes indignés, mettant à profit la masse de la fourgonnette pour les contraindre à lui céder le passage, et parvint à reprendre quelque peu ses distances avec son poursuivant. Puis il plongea sans crier gare dans une rue adjacente, juste devant un énorme camion, et mit toute la gomme, gardant un œil sur son rétroviseur extérieur pour calculer ce qu’il avait gagné en effectuant cette manœuvre. Et c’est alors qu’il constata l’étendue du désastre : il venait d’atteindre la rampe d’accès menant à la corniche côtière, deux fois deux voies courant sur un axe nord-sud, accolées les unes aux autres à certains endroits, très éloignées à d’autres. La bretelle sur laquelle il s’était engagé était bouchée par un embouteillage.
Il freina brutalement et balaya des yeux l’espace devant lui. La voie menant vers le nord, sur laquelle débouchait la bretelle, était totalement saturée. Il constata avec rage que celle se dirigeant au sud était dégagée, mais impossible de la rejoindre avec toutes ces voitures et ces camions le suivant à touche-touche, et ces glissières de sécurité en aluminium hautes de soixante bons centimètres de chaque côté.
Il était coincé. Pire encore : en regardant dans le rétroviseur, il aperçut, à sept voitures derrière lui, une petite Polo bordeaux dont la portière venait de s’ouvrir à toute volée, laissant apparaître Reilly.
Il fit une grimace, impressionné autant qu’irrité par l’acharnement de l’Américain, et sauta à son tour de la fourgonnette.
Courant à toutes jambes sur la voie d’accès, il escalada non sans mal l’une des glissières et, après avoir traversé un talus à l’herbe rabougrie, atteignit la route de corniche. Un coup d’œil derrière lui lui apprit que Reilly n’avait pas abandonné. Il songea alors à sortir son pistolet et à lui tirer dessus, y renonça. Il reprit sa course, serpentant au milieu des voitures immobilisées, sautant de nouveau par-dessus une barrière, traversant à toute allure un autre talus, puis escaladant encore une glissière de sécurité avant de se retrouver sur la voie menant vers le sud, au trafic fluide mais néanmoins chargé.
Un nouveau coup d’œil derrière lui : Reilly s’était rapproché. Se retournant, Zahed examina les voitures qui arrivaient vers lui. Ayant repéré une berline blanche, il avança au milieu de la voie, étendant les bras et les agitant comme pour demander de l’aide. D’après ses calculs, la soutane de prêtre qu’il portait devait l’aider – et en effet : la voiture ralentit et s’arrêta près de la glissière de sécurité. Les deux véhicules qui la suivaient pilèrent dans un furieux concert d’avertisseurs. Sans s’en préoccuper, Zahed s’approcha du conducteur de la berline blanche, l’air à la fois embarrassé et amène. L’automobiliste, un homme frêle, à la calvitie prononcée, commença à baisser sa vitre. Celle-ci n’avait été descendue que de quelques centimètres quand la main de Zahed s’engouffra dans l’espace ainsi pratiqué pour ouvrir la portière à toute volée. Cela fait, il tendit de nouveau la main, cette fois pour relâcher la ceinture de sécurité de l’infortuné conducteur, qu’il saisit aussitôt par le collet pour l’extirper sans ménagement de l’habitacle. Il le projeta sur l’asphalte comme s’il se débarrassait d’un vulgaire sac : l’homme boula jusqu’à la ligne discontinue séparant les deux voies, contraignant un camion qui arrivait à faire un brusque écart pour éviter de l’écraser. Zahed ne le remarqua même pas : il s’était déjà installé au volant de la Ford Mondeo du pauvre homme et fonçait
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