La malédiction des templiers
épouvantable, comme tu peux t’en douter, répondit Ertugrul, ajoutant, dans un grognement furieux : J’imagine qu’il a obtenu ce qu’il était venu chercher.
— Une fois de plus, nota Reilly avec aigreur.
Bras ballants, les poings serrés de rage, il contempla la scène en silence un bon moment avant de lâcher un « Je reviens tout de suite » et de descendre la rue pour aller se changer.
Il se trouvait à mi-chemin de la Suburban lorsqu’il se rappela quelque chose. Il prit son BlackBerry dans sa poche, pressa un bouton. Aparo répondit à la première sonnerie.
— Alors, où t’en es ? demanda son coéquipier.
— Je l’ai paumé. Ce mec est un vrai dingue. Tu m’as dit que tu avais quelque chose pour moi.
— Ouais, confirma Aparo. On a eu une piste par les services secrets de l’armée. Il a fallu la leur extirper au forceps. Ah, on ne peut pas dire que ces gars-là soient des partageux.
— Accouche, qui c’est ?
— On n’a pas de nom. Juste des antécédents.
— A savoir ?
— Bagdad, il y a trois ans. Tu te rappelles cet expert en informatique, celui qui a été enlevé au ministère des Finances ?
Reilly connaissait cette histoire, qui avait fait pas mal de bruit en son temps, à l’été 2007. L’homme, un informaticien américain, avait été kidnappé dans le service technologique du ministère avec ses cinq gardes du corps. Ses ravisseurs s’étaient présentés en uniforme de la Garde républicaine irakienne, étaient tranquillement entrés à l’intérieur du bâtiment et s’étaient emparés des six hommes en déclarant qu’ils étaient « en état d’arrestation ». Le spécialiste en question n’avait débarqué à Bagdad que vingt-quatre heures plus tôt, pour une mission consistant à installer un nouveau logiciel sophistiqué qui permettrait de suivre les milliards de dollars d’aide internationale et de revenus du pétrole qui transitaient par les différents ministères irakiens – milliards qui disparaissaient aussi vite qu’ils arrivaient. Par des sources diverses, les services secrets n’ignoraient pas qu’une bonne partie de cette manne était détournée vers des groupes de miliciens irakiens sous la dépendance de l’Iran, pays disposant par ailleurs de nombreux hommes placés à des postes gouvernementaux élevés et qui, à n’en pas douter, n’hésitaient pas à prélever au passage de confortables commissions. Personne ne souhaitait voir mettre un terme à la corruption, ni même que celle-ci soit dénoncée. Le ministère des Finances avait ainsi scandaleusement résisté, deux années durant, à la mise en place du fameux logiciel. Ainsi, donc, l’homme qui avait finalement été envoyé des Etats-Unis pour essayer de mettre un terme à ces détournements de fonds avait été enlevé vingt-quatre heures après avoir mis les pieds dans la capitale irakienne, devant son clavier d’ordinateur, au cœur même du ministère des Finances.
Méticuleusement préparé et exécuté, le rapt avait été attribué au groupe Al-Quds – mot arabe désignant Jérusalem –, une unité spéciale de la Garde révolutionnaire iranienne chargée des opérations secrètes à l’étranger. Quand on avait retrouvé les cadavres du spécialiste américain et de ses gardes du corps, une quinzaine de jours plus tard, les attaques contre l’Iran en provenance de la Maison-Blanche s’étaient intensifiées. Une demi-douzaine de responsables iraniens avaient été capturés et emprisonnés dans le nord de l’Irak par les forces américaines. Trop heureux de profiter de l’occasion pour attiser sans vergogne les flammes de la discorde, les responsables iraniens, par l’intermédiaire d’un groupe de miliciens incontrôlable, censé ne pas dépendre d’eux, baptisé Asaïb Ahl Al-Haq, la Ligue des Vertueux, s’étaient lancés dans une offensive plus audacieuse encore, cette fois contre le quartier général de la province de Kerbala, en pleine rencontre de haut niveau entre officiels américains et irakiens. Une opération plus téméraire, plus cynique encore que le rapt qui l’avait précédée : une douzaine d’agents d’Al Quds s’étaient présentés aux portes de la base avec une flotte de Suburban noires identiques à celles utilisées dans le pays par les auxiliaires sous contrat avec l’armée américaine. Habillés très exactement comme les mercenaires en question et parlant un anglais parfait, à tel point que les
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