La malédiction des templiers
dans le dos.
Actionnant sans interruption le klaxon de la Ford, il se fraya un passage au milieu de plusieurs voitures, obligeant l’une d’elles à mordre le trottoir pour piétons qui longeait l’eau.
Cette vision, plus celle d’un antique autobus Mercedes des années 1970, au toit débordant de bagages et au tuyau d’échappement lâchant un épais nuage de fumée noire de diesel, lui inspira une idée.
Il continua de progresser jusqu’à se trouver tout à côté du bus, donna alors un coup de volant à gauche, puis à droite, pour aller cogner le flanc du vénérable véhicule. Avec des grincements effroyables, celui-ci bondit littéralement sur la droite. Les têtes affolées des passagers se pressèrent aux fenêtres, tandis que, s’affranchissant des liens qui les retenaient, caisses et valises dégringolaient du toit, en plein sur le chemin des voitures qui le suivaient. Zahed manœuvra de façon à rester collé au flanc de l’autobus, contraignant celui-ci à obliquer encore sur la droite, à grimper sur le trottoir et, après avoir pulvérisé la fragile balustrade métallique, à poursuivre sa course dans le vide.
Zahed redressa sa trajectoire et jeta un coup d’œil dans son rétroviseur : à sa grande joie, l’agent du FBI faisait très précisément ce qu’il attendait de lui.
Le visage de Reilly se tendit lorsqu’il vit la Ford blanche pousser le vieil autobus, le forçant à franchir le trottoir et à s’envoler du pont.
Cela se passa presque sans bruit : l’Américain perdit le bus de vue une nanoseconde avant d’apercevoir une grande gerbe d’écume blanche exploser dans le détroit. Etant donné la montagne de bagages entassée sur son toit dans un équilibre précaire, Reilly se dit que, selon toute probabilité, le véhicule était bondé, bondé de passagers qui allaient très certainement être entraînés par le fond.
Le conducteur de la voiture qui le précédait pila brutalement et il fit de même. Derrière eux s’élevèrent crissements de pneus et froissements de tôle. Reilly constata qu’il avait tout juste la place de doubler les voitures qui le précédaient, mais ne put s’y résoudre. Pas avec tous ces gens très probablement en train de se noyer.
Il devait se porter à leur secours.
Quittant précipitamment le break, il se mit à courir vers le grand trou laissé par l’autobus dans la barrière de sécurité. Un peu plus loin, la Mondeo blanche quittait le pont et il se représenta l’espace d’un instant l’air béat de son gibier.
Fils de pute, jura-t-il intérieurement, la fureur et la frustration le poussant à accélérer encore sa course vers le lieu du drame. Sortis de leur véhicule, d’autres automobilistes convergeaient vers le même endroit, regardant en contrebas, pointant l’eau du doigt, discutant avec animation.
Le vieil autobus n’était plus que partiellement visible : seul l’arrière de son toit émergeait de l’eau tel un iceberg miniature. Reilly balaya du regard la surface environnante : personne. Les fenêtres étaient sans doute hermétiquement fermées, avec uniquement la partie supérieure qui devait pouvoir coulisser latéralement, sans laisser toutefois d’espace suffisant pour permettre à quiconque de sortir. Reilly observa la scène durant une ou deux interminables secondes, se demandant si le bus était muni d’un dispositif hydraulique permettant d’ouvrir les portières, si celles-ci étaient bloquées à cause de la défaillance du système électrique, si les passagers étaient trop choqués pour songer aux éventuelles sorties de secours. Il n’y avait personne dans l’eau. Tous les passagers étaient piégés à l’intérieur. Et, sur le pont, personne ne prenait la moindre initiative.
Reilly regarda les visages abasourdis des gens qui l’entouraient, hommes et femmes, jeunes et vieux, tous sous le choc, échangeant des commentaires et regardant en contrebas d’un air sombre. Il passa alors à l’action.
Les morts, ça va comme ça. Plus à cause de moi. Pas si je peux faire quelque chose.
Il se débarrassa de ses chaussures, quitta en toute hâte sa veste et sauta dans l’eau. Encore heureux que le drame ait eu lieu à l’extrémité du pont, où la hauteur était raisonnable.
Autour de lui flottaient des sacs, des valises, des cartons, qui gênaient sa progression. Il parvint toutefois à atteindre l’arrière de l’autobus et à agripper une extrémité de la galerie du toit
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