La malédiction des templiers

satellite que je voulais, mais je crois qu’on va pouvoir nous procurer un drone d’observation. Le problème, c’est que la zone à surveiller est trop vaste… La fenêtre de couverture ne sera pas aussi resserrée que je l’aurais souhaité.
    — Ce qui signifie ?
    — Ce qui signifie qu’on risque de rater quelque chose, répondit-il d’un ton grave, où perçait la fatigue.
    Il tira une chaise à lui et s’y laissa tomber.
    — Je peux peut-être t’aider, dit Tess avec un sourire.
    Le front de Reilly se plissa, mais il trouva la force de lui adresser à son tour un petit sourire.
    — Tu choisis bien ton moment pour me proposer un massage…
    Tess le fusilla du regard.
    — Je parle sérieusement, crétin, rétorqua-t-elle en attrapant une carte de la Turquie qu’elle posa sur la carte d’état-major du mont Erciyes, avant de tapoter de l’index la zone représentant Istanbul, dans le coin supérieur gauche. Tiens, regarde.
    Il se rapprocha.
    — Bien, commença-t-elle. Constantinople est ici. C’est là qu’Everard et ses joyeux drilles, les premiers Templiers à avoir visité le monastère, ont entamé leur périple.
    Elle jeta un coup d’œil à Reilly pour s’assurer qu’elle avait bien son attention. De la tête, il lui fit signe qu’il était tout ouïe.
    — Ils essayaient de retourner là, à Antioche, la forteresse templière la plus proche, poursuivit-elle en désignant l’emplacement de la ville, en Méditerranée orientale, près de la frontière syrienne. Mais, comme nous le savons, ils n’ont réussi à aller que jusque-là, au mont Argée, où se trouve le monastère.
    — Ça alors, tu m’en bouches un coin, la taquina-t-il.
    — Regarde donc cette montagne, patate ! Elle est toute ronde. Ronde comme doit l’être tout volcan éteint qui se respecte. Ils auraient pu facilement en faire le tour, non ?
    Par dérision, elle fit tournoyer son doigt autour de la zone en question, sur la carte.
    — Ce n’est pas comme s’ils avaient eu à franchir une muraille ou un obstacle majeur. Et pourtant, quelque chose les a incités à la gravir.
    Reilly réfléchit un moment.
    — Cela ne semble pas logique, en effet – à moins qu’ils n’aient voulu continuer à ne pas se faire remarquer.
    Elle eut une moue d’admiration feinte.
    — Ah, on ne peut pas dire que tu aies perdu ton temps à Quantico, dit-elle, sarcastique. Rien ne t’échappe, jusqu’aux connexions les moins évidentes… Tu m’en vois baba.
    — Eh bien, essaie de t’en remettre et dis-moi à quoi tu penses.
    — Everard et son groupe essayaient bel et bien de ne pas se faire remarquer, dit-elle, retrouvant son sérieux. Ils y avaient intérêt : tout cela se passait en 1203, à une époque où les Turcs seldjoukides s’étaient emparés d’un bon morceau de cette région, fit-elle en encerclant du doigt la zone en question. Pour les Templiers, il s’agissait d’un territoire ennemi, grouillant de bandes errantes de guerriers ghazis fanatiques . Autrement dit, pour peu qu’ils aient eu un peu de plomb dans la cervelle, notre petite équipe de Templiers avait certainement le très vif désir d’éviter de s’avancer en terrain découvert. Donc celui de s’en tenir aux sentiers de montagne, chaque fois que ça leur était possible. D’où leur petite escale au monastère.
    — Attends… Un monastère chrétien en territoire musulman ?
    — Les Seldjoukides toléraient la chrétienté. Les chrétiens étaient libres d’exercer leur foi ouvertement. Ils n’étaient pas l’objet de persécutions. Mais ça, c’était avant les sultans et l’Empire ottoman. En fait, cette région, c’était un peu le Far West, avec toutes ces bandes armées qui la sillonnaient, assoiffées de sang – comme ces groupes de soldats sudistes après la guerre de Sécession. Ils étaient dangereux, ce qui explique pourquoi les églises et les monastères étaient dissimulés dans des grottes ou dans des recoins montagneux, et non exposés à la vue de tous.
    — D’accord, mais cela ne nous aide pas vraiment, objecta Reilly. Une fois qu’Everard et ses hommes ont commencé leur escalade, ils ont pu l’entreprendre dans le sens des aiguilles d’une montre, ou dans l’autre, non ? Ce qui signifie qu’on est toujours obligés de surveiller la totalité de la montagne.
    — Peut-être bien. Mais regarde donc ça, dit-elle, reprenant la carte d’état-major du mont Argée et la reposant sur