La malédiction des templiers

l’autre. Regarde les courbes de niveau, là et là, poursuivit-elle d’une voix dont l’intensité s’était élevée d’un cran, sous l’effet de l’exaltation, désignant du doigt une zone à l’ouest du côté septentrional de la montagne, à onze heures. Tu vois comme elles sont resserrées ?
    Les courbes de niveau qui indiquaient la progression en altitude – dans ce cas précis, à des intervalles réguliers de cinquante mètres – étaient de plus en plus proches les unes des autres, jusqu’à pratiquement se chevaucher, ce qui indiquait que la zone en question était extrêmement abrupte. Voire plus encore : carrément verticale.
    — C’est une falaise, expliqua Tess, les yeux brillant d’excitation. Et pas une petite. Ils ont dû la voir quand ils ont commencé à gravir la montagne, et ils ont alors certainement décidé de la prendre par l’autre côté, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, donc. Ce qui, en fin de compte, s’est révélé être pour eux la voie la plus directe.
    Reilly se pencha en avant pour mieux voir, sa curiosité piquée.
    — Et s’ils s’étaient approchés de cet endroit depuis l’est, un peu plus loin ? Ils auraient atteint la montagne de l’autre côté de cette falaise et ils l’auraient contournée par l’autre versant…
    — J’en doute fort, répliqua Tess. Regarde la région, là, au nord de la montagne. Kayseri a été fondée il y a plus de cinq mille ans. C’était l’une des villes seldjoukides les plus importantes. Si nos Templiers souhaitaient passer inaperçus, ils ont dû s’en tenir largement à l’écart. Et comme ils venaient du nord-ouest, ils ont probablement contourné la ville par l’ouest, en passant sans doute par les vallées de la Cappadoce, où ils ont très certainement été abrités par les communautés chrétiennes qui, depuis les premiers jours de leur foi, avaient trouvé refuge dans les grottes et les cités troglodytes du coin. J’ai un peu fouillé la question, si tu me passes l’expression. Tu vois cette zone, là ? demanda-t-elle en indiquant le versant nord-ouest de la montagne. C’est un coin qu’adorent les alpinistes, en toute saison. J’en suis venue à me dire que si les ruines du monastère se trouvaient par là, j’en aurais trouvé mention sur un site Internet quelconque. Quant à ce côté, le versant nord, c’est celui où est située la station de ski. Même remarque que précédemment. Toute cette partie a dû être explorée dans ses moindres recoins. S’il y avait eu les ruines d’un monastère, quelqu’un les aurait remarquées et signalées.
    Elle s’interrompit et fixa Reilly droit dans les yeux, sûre de ce qu’elle avançait.
    — Tu veux restreindre la zone de recherches ? Alors oublie le côté droit de la montagne, Sean. Concentre-toi sur la partie occidentale.
    Reilly étudia la carte un moment, puis leva les yeux vers Tess.
    — Si tu te trompes, on le rate.
    Tess hocha la tête après quelques secondes de réflexion.
    — On risque de le rater de toute façon si on est obligés de surveiller la montagne dans son entier. Non, je pense vraiment que ce serait la bonne décision.
    Il soutint son regard, appréciant à sa juste valeur le rayonnement de son visage, sentant son enthousiasme et son assurance le gagner.
    — OK, dit-il enfin. Je vais faire passer l’info.
    La jeune femme sourit, visiblement satisfaite de sa réaction.
    — Il faudrait qu’on y soit, tu ne crois pas ? lança-t-elle alors qu’il quittait son siège. On devrait aller l’attendre là-bas.
    Reilly se tourna, s’apprêtant à dire quelque chose, mais elle le devança.
    — Non.
    — Non quoi ? demanda-t-il, perdu.
    — Ne commence pas. Avec ton baratin.
    — Quel baratin ?
    Il avait sincèrement l’air de ne rien y comprendre.
    — Mais si, tu sais très bien, le baratin qui consiste à dire que tu vas aller là-bas, mais que moi je dois rester ici parce que c’est beaucoup trop dangereux ; à quoi je réponds non, tu as besoin de moi là-bas parce que je comprends tout ce machin truc autour des Templiers ; tu insistes : il n’en est pas question ; j’insiste à mon tour : sans moi, tu risques de passer à côté de l’unique indice susceptible de te conduire jusqu’à lui ; tu décides alors de me prendre par les sentiments : tu me dis que je devrais peut-être penser un peu à Kim, être pour une fois une bonne mère, et je me mets à te détester pour