La malédiction des templiers
déconcertante. Son attention s’arrêta sur les épisodes de la veille, au Vatican, ce qui lui évoqua une réjouissante série d’images. Un profond sentiment de plaisir l’envahit au souvenir de la poussée d’adrénaline qui l’avait électrisé lorsqu’il avait vu à la télévision et lu dans les journaux la couverture des événements. D’autres suivraient, à coup sûr, après sa brève visite au Patriarcat. Il songea à sa quête et puisa un grand réconfort dans le fait que, même s’il ne parvenait pas à découvrir ce que Sharafi avait mis au jour, ou si le ou les objets en question se révélaient sans valeur, son aventure aurait déjà été une entreprise méritant qu’on s’y lance. Ses résultats étaient d’ores et déjà meilleurs que ceux qu’il avait obtenus à Beyrouth ou en Irak. Et de loin. Elle lui avait donné l’occasion de frapper ses ennemis au cœur même de leur foi. Leurs médias, toujours avides de nouvelles fraîches, en feraient leur miel durant des jours, enfonçant le clou dans l’esprit des masses qu’il souhaitait impressionner. Les marchés financiers jouaient déjà leur rôle en mettant un peu plus de sel sur la plaie : brutale et considérable, leur baisse amputait de quelques milliards de dollars les avoirs dormant dans les coffres de l’ennemi. Non, ses actions ne seraient pas oubliées de sitôt, il en avait la certitude. Et avec un peu de chance, se dit-il, ce ne serait là que le début : il s’imaginait déjà éveillant la vocation d’un millier d’autres guerriers et leur montrant ce que l’on pouvait faire.
Il se remémora d’autres commencements, à une autre époque, et le visage de ses frères et de sa sœur, ses cadets, s’imposa à lui. Il avait l’impression de les entendre courir, jouer dans leur maison d’Ispahan, non loin de leurs parents. Ceux-ci lui apparurent à leur tour : ils auraient à coup sûr été fiers de lui, s’ils avaient été en vie pour pouvoir être témoins de ses exploits. Le souvenir de ce jour maudit l’assaillit brutalement, attisant les flammes de cette rage qui ne l’avait plus quitté depuis – souvenir de ce dimanche 3 juillet 1988, d’une chaleur humide accablante, une journée qui avait vu l’anéantissement de sa famille, de son univers d’adolescent de quatorze ans, une journée qui avait marqué le début de sa nouvelle vie. Pas le moindre regret de leur part, songea-t-il en revoyant les cercueils vides qu’ils avaient mis en terre, la bile lui montant dans la gorge. Rien. Rien qu’un peu d’argent, l’argent du sang, pour lui et pour tous ceux qui avaient également perdu des êtres chers. Et des médailles, pensa-t-il avec rage. Y compris la Légion du Mérite, pas moins, pour le capitaine du navire américain et pour le reste des impies, auteurs de ce massacre.
Réfrénant sa fureur, il avala une longue goulée d’air et tenta de recouvrer son calme. Inutile de se lamenter sur ce qui était arrivé ou, comme ses compatriotes le lui disaient volontiers, ce qui était destiné à arriver. Après tout, comme on ne cessait de le répéter, tout était écrit. Il ricana à cette idée, à la fois naïve et arriérée. Non, sa seule certitude, c’était que ses parents et ses frères et sœur n’avaient pas perdu la vie en vain. Après tout, sa vie à lui avait été marquée par des perspectives nettement plus grandioses que si les choses s’étaient déroulées différemment. Il avait juste besoin de s’assurer qu’il atteindrait tous les objectifs qu’il s’était fixés. Ne pas y parvenir reviendrait à déshonorer leur mémoire, et de cela, il n’était pas question.
En pensant au proche avenir, il sut qu’il allait devoir s’arrêter d’ici quelques heures. Il ne voulait pas conduire la nuit, le trafic serait moins dense, et il courrait le risque de tomber sur un contrôle de police. Pas question non plus de descendre dans un hôtel. Trop risqué. Un motel aurait fait l’affaire, mais, en Europe, impossible d’y trouver l’anonymat qu’offrait aux Etats-Unis ce genre d’établissement. Non, lui et Simmons passeraient la nuit dans la Land Rover. D’ici quelques centaines de kilomètres, autrement dit après avoir couvert environ la moitié du trajet, il s’arrêterait sur une aire de stationnement quelconque, garerait le 4 × 4 entre deux énormes poids lourds et attendrait le jour après avoir administré à Simmons une nouvelle dose de sédatifs. Au matin, il
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