La malédiction des templiers

Si elle explose, il est probable qu’elle ne vous tuera pas instantanément. Vous survivrez encore une minute, peut-être un peu plus, ce qui vous permettra de voir le cratère qu’elle aura creusé. Pas très sympa, ajouta-t-il. Je ne vous le conseille pas.
    L’archéologue eut un haut-le-cœur. Il ferma les yeux et essaya d’inspirer une bouffée d’air, pour constater qu’il avait du mal à respirer. Il ne comprenait pas ce que cette chose faisait sur son corps mais un faible « Pourquoi ? » fut la seule réaction dont il fut capable.
    — Une bonne raison, fit le conducteur.
    Simmons ne put que le regarder d’un air stupide, le cerveau paralysé par la peur.
    — Une bonne raison de rester sage, précisa l’homme. Nous allons faire un peu de tourisme et j’ai besoin d’avoir l’assurance que vous ne ferez pas de bêtises. J’espère donc que la crainte de voir vos tripes exploser sera une motivation assez puissante pour que vous fassiez exactement ce que je vous dirai de faire. D’habitude, ce genre de joujou fait l’affaire, fit-il avec un nouveau regard de côté, apparemment pour jauger la réaction de Simmons, avant d’ajouter : Oh, et n’essayez surtout pas de détacher la ceinture. Elle est fermée avec un verrou. Un peu comme une ceinture de chasteté, si vous voulez, ajouta-t-il avec un sourire. Pour réprimer les désirs ardents qui pourraient vous agiter.
    Totalement désespéré, l’Américain se laissa retomber en arrière sur son siège et regarda fixement devant lui. Une voiture les croisait de loin en loin, mais la circulation était peu dense sur cette route étroite et au revêtement inégal.
    — Où nous emmenez-vous ? demanda-t-il enfin, sans savoir vraiment si la réponse présentait un intérêt quelconque.
    — A la montagne. Un bon bol d’air vous fera le plus grand bien, répliqua l’homme avec un semblant de sourire. Vous m’avez l’air un peu pâlot.
    Une étincelle raviva soudainement la mémoire de Simmons.
    — Vous savez où se trouve le monastère ?
    — Plus ou moins, répondit son ravisseur, sans autre précision.
     
    Le guide les attendait à l’endroit prévu qui, pour finir, ne s’était pas révélé si difficile à trouver. Le navigateur GPS dont était équipée la Land Rover représentait un atout majeur, qui lui avait permis à la fois d’éviter les grandes routes passant par Kayseri et donc de tomber sur un éventuel contrôle routier, mais également de trouver sans mal quelqu’un qu’il n’avait jamais rencontré auparavant, dans un lieu obscur dont il ignorait tout.
    La route sinueuse qu’il avait choisie, un détour qui augmentait le trajet d’une bonne heure mais permettait de contourner la ville et d’aborder la montagne par l’ouest, traversait de rares bourgs endormis ainsi que le parc national et la réserve naturelle des Marais du Sultan, avant d’aborder la série d’éminences au pied du volcan éteint aux contours déchiquetés.
    Cette montagne offrait un spectacle imposant. Depuis que sa silhouette était apparue, loin devant, Mansour Zahed avait eu du mal à en détacher son regard : son aspect majestueux, digne d’une carte postale, se faisait de plus en plus impressionnant au fil des kilomètres. Comme le Kilimandjaro et d’autres volcans éteints, il se présentait dans une fière solitude avec son cône rocheux au sommet aplati, de proportions considérables, dominant fièrement les hauts plateaux d’où il était issu. Et alors même qu’on était au cœur de l’été et que le thermomètre du tableau de bord indiquait une température proche des quarante degrés, une couronne neigeuse ornait toujours sa cime.
    Il fit halte au lieu de rendez-vous fixé, une station-service fatiguée dans les faubourgs de la ville de Karakoyunlu. Le guide, Suleyman Toprak, les y attendait, appuyé contre un 4 × 4 Toyota cabossé, qui avait de toute évidence passé l’essentiel de son temps à se faire maltraiter sur les sentiers de montagne, dans le genre d’excursions hors piste bien cahoteuses pour lesquelles il avait été conçu.
    Zahed s’arrêta derrière lui, tendit la main vers la banquette arrière et y pêcha un pistolet qu’il glissa dans une poche de sa veste, sous les yeux de Simmons.
    Regardant son prisonnier, il lui fit signe du doigt de ne surtout rien tenter, tout en prenant soin de ne pas être vu par le guide, qui s’approchait maintenant de leur voiture.
    — N’oubliez pas : vous