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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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n’ai pas besoin de monde ; j’ai laissé mes hommes à bord de mon lougre.
    – Non ; mais vous avez besoin d’un bras et d’un cœur dévoués qui vous secondent et agissent comme un autre vous-même si, par malheur, vous succombiez.
    – Oui, c’est vrai.
    – Avez-vous choisi quelqu’un ?
    – Personne encore.
    – Alors ne choisissez pas !
    – Pourquoi ?
    – Parce que j’irai avec vous.
    – Vous, Boishardy ?
    – Moi-même.
    – Mais…
    – Ne voulez-vous pas de moi pour compagnon ?
    – Si fait ! tonnerre ! à nous deux nous le sauverons.
    Et Marcof, prenant Boishardy dans ses bras nerveux, le pressa sur sa poitrine, tandis que des larmes de reconnaissance glissaient sous ses paupières.

IV – M. DE BOISHARDY
    M. de Boishardy connaissait Marcof depuis longtemps. Comme tous les braves cœurs qui s’étaient trouvés en contact avec cette nature si loyale, si franche et si forte, M. de Boishardy s’était épris pour le marin d’une amitié étroite et vive. L’expansion de Marcof le toucha profondément. Ces deux hommes, au reste, étaient bien faits pour se comprendre et s’aimer. D’une bravoure à toute épreuve, d’une hardiesse à défier toutes les témérités, d’un sens droit, d’un coup d’œil ferme et rapide, tous deux étaient créés pour la vie d’aventurier dans ce qu’elle a de noble et de périlleux.
    M. de Boishardy est certes l’un des personnages historiques de la chouannerie qui ont légué le plus de souvenirs vivaces sur la vieille terre bretonne. Gentilhomme obscur, peu soucieux des plaisirs de la cour, il avait vu sa jeunesse s’écouler dans une existence toute rustique. À vingt ans, il avait servi comme officier dans le régiment de royale-marine ; cinq ans plus tard, il donnait sa démission et rentrait dans ses terres. Grand amateur de gibier et de beautés champêtres, il chassait le loup, le sanglier et les jeunes filles, lorsque éclatèrent les premiers troubles de l’Ouest. Fermement attaché à son roi, il avait songé tout d’abord à lever l’étendard de l’insurrection.
    Comme tous les hommes dont la destinée est de devenir populaire, il avait été doué par la nature de vertus réelles ; à côté de chacune se trouvait un défaut qui lui servait pour ainsi dire de repoussoir. Subissant les lois de ses passions, il faisait bon marché de la vie d’un homme, lorsque cet homme se dressait sur sa route comme un obstacle, et que, pour passer, il fallait l’abattre et marcher sur son cadavre. Énergique, vigoureux et puissant, il avait à un haut degré la générosité de la force.
    Ses aventures amoureuses l’avaient rendu célèbre dans les paroisses. À sa vue, les mères tremblaient, les maris pâlissaient, mais les jeunes filles et les jeunes femmes souriaient en faisant une gracieuse révérence au don Juan bas-breton, qui faisait le sujet de bien des causeries intimes au bord de la fontaine et le soir sous la saulaie.
    Boishardy inspirait deux sentiments opposés aux paysans. Les uns le redoutaient à cause de sa force et de son audace, les autres l’admiraient à cause de sa bravoure et de son adresse. Tous l’aimaient pour sa familiarité franche et cordiale, ses élans de rude bonté et sa gaieté entraînante. À quinze lieues à la ronde chacun en parlait et chacun voulait le voir.
    Cette popularité lui devint d’un puissant secours lorsqu’il voulut soulever le pays. Mêlé d’abord aux intrigues de La Rouairie, ainsi que nous l’avons vu, il se lança à corps perdu dans le soulèvement de 1793, dès que la Vendée eut arboré l’étendard de la contre-révolution, et il ne tarda pas à devenir l’un des chefs les plus renommés et les plus redoutés de la chouannerie bretonne. Charette se mit en rapport avec lui ; Jean Chouan l’écoutait souvent comme un oracle ; La Rochejacquelein était son ami. En avril, Boishardy avait débuté par parcourir les fermes et les communes, en appelant les paysans aux armes.
    – C’est à vous de voir, leur disait-il, si vous voulez défendre vos enfants, vos femmes, vos biens et vos corps, et si vous n’aimez pas mieux obéir à un roi qu’à un ramassis de brigands qui forment la Convention nationale.
    La plupart de ceux auxquels il s’adressait n’hésitèrent pas à marcher. Ses premiers et rapides succès contre les bleus entraînèrent les autres, si bien qu’en quinze jours il se trouva à la tête d’une petite armée, et bientôt il

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