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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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remettre.
    Keinec ôta sa veste, déchira la doublure et en retira une feuille de parchemin. Boishardy avança vivement la main pour la prendre ; il l’ouvrit et la parcourut avec une attention extrême. C’était une sorte de feuille d’appel disposée d’une façon bizarre. Sur une première colonne, on lisait des noms ; sur une seconde, la désignation exacte et détaillée de la position politique et financière de chacun des individus désignés ; enfin suivaient les indications nombreuses relatives à la demeure, au pays, à la ville ou au village habités par chacun d’eux. Puis, devant tous les noms sans exception, on voyait, tracée à l’encre rouge, une des lettres : S. – R. – T.
    – Qu’est-ce que cela ? fit Marcof en se penchant en avant.
    – Les noms de ceux qui, depuis Brest jusqu’à La Roche-Bernard, en suivant le littoral, s’obstinent à ne vouloir pas prendre les armes.
    – Et que veulent dire ces lettres ?
    – S. – R. – T. ?
    – Oui.
    – Surveiller, Rançonner, Tuer.
    – Je comprends.
    – Je vais faire copier cette liste et expédier des doubles à tous nos amis du pays de Vannes. Avant trois fois vingt-quatre heures, chaque individu désigné sera traité en conséquence.
    – Est-ce que de pareilles mesures ont déjà été prises ?
    – Oui.
    – Avec succès ?
    – Certes.
    Marcof fit un geste d’étonnement.
    – Désapprouvez-vous cette façon d’agir ? demanda Boishardy.
    – Non, répondit le marin ; mais je suis surpris que l’on fasse ainsi marcher des hommes et qu’ils se rallient à ceux qui les menacent ou qui frappent.
    – Que voulez-vous ? le résultat est contre vous.
    – C’est possible ; mais je n’aurais pas confiance en mes troupes si je commandais à de pareils soldats.
    – Bah ! après deux ou trois rencontres avec les bleus, ils se battent aussi bien que les autres. Et puis, d’ailleurs, nous allons en avant. Pouvons-nous risquer de laisser des traîtres derrière nous ?
    – C’est juste.
    – Donc, le temps d’expédier une demi-douzaine de nos courriers féminins, et je suis à vous pour ce qui nous est personnel.
    Boishardy se plaça devant la table et prit des papiers.
    – Mais, fit observer Marcof, pouvez-vous bien vous absenter huit jours ? Le placis se passera-t-il de vous ?
    – Sans aucun doute.
    – Votre absence, cependant, peut nuire à la sécurité générale.
    – Elle sera ignorée, répondit Boishardy à voix basse en désignant Keinec.
    – Ne craignez pas de parler devant lui. Je réponds de Keinec, dit Marcof à voix basse. D’ailleurs, puisque vous voulez venir avec moi, il est bon je pense, que quelqu’un ici connaisse l’endroit où nous sommes.
    – Cela est vrai. Vous avez raison. Il faut que l’on sache où nous trouver, ou du moins où nous serons allés tous deux.
    – Autant Keinec qu’un autre pour lui confier ce secret.
    – Mieux qu’un autre, même, répondit Boishardy.
    Puis s’adressant au jeune homme.
    – Écoute, continua-t-il, je vais mettre notre existence à tous deux entre tes mains. Un seul mot de toi pourra nous perdre si ce mot est entendu d’un bleu ou d’un traître. Marcof et moi nous partirons cette nuit pour Nantes. Pour tous nos gars, à l’exception de Fleur-de-Chêne, il faut que nous soyons allés près de La Rochejacquelein. Tu comprends ?
    – Parfaitement, répondit l’amoureux d’Yvonne.
    – Songe que la moindre indiscrétion peut nous perdre ; si, en mon absence, on attaquait le placis, tu dirais à nos hommes de tenir ferme et que tu vas me prévenir, que tels sont mes ordres. Alors tu courrais près de Cormatin et tu lui annoncerais à lui seul notre absence, en l’invitant à venir prendre le commandement du placis. Il viendrait. Je donnerai des instructions semblables à Fleur-de-Chêne, afin qu’en cas de malheur l’un de vous puisse agir. Et maintenant, comme nous allons à Nantes, comme nous nous risquons dans l’antre de Carrier, il est fort possible que nous n’en revenions pas. Si dans dix jours tu ne nous avais pas revus, tu irais trouver M. de La Rochejacquelein et tu lui remettrais le papier cacheté que je laisserai dans le tiroir de cette table. À défaut de La Rochejacquelein, tu t’adresserais à Stofflet. Tu entends bien, n’est-ce pas ?
    – Oui, commandant.
    – Nous pouvons nous fier à toi ?
    – Eh bien ! non, dit résolument Keinec.
    – Comment ! s’écria Boishardy

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