La Marquis de Loc-Ronan
épiscopale, marchait distincte de l’armée ducale. De plus l’évêque prétendait à une juridiction tout à fait indépendante de celle du duc, et on le voit même, dans un acte du XIII e siècle, affirmer que son église est un fief plus noble que comté ou baronnie, et ne relève ni de duc, ni de prince, mais du pape seul. Enfin, lorsqu’il entrait dans la ville de Nantes, les quatre plus puissants seigneurs du comté, les barons de Chateaubriand, d’Ancenis, de Retz et de Pontchâteau, étaient tenus, par une ancienne coutume, de le porter sur leurs épaules depuis le parvis de la cathédrale jusqu’au maître-autel. On vit un duc de Bretagne lui-même, Jean IV, comme baron de Retz et de Chateaubriand, placer sa noble épaule sous la chaise épiscopale.
Cependant, par suite de concessions mutuelles, les Nantais se soudèrent de plus en plus aux Bretons bretonnants, et si la ville ne marqua pas d’une manière prononcée dans les guerres de parti dont la Bretagne fut le théâtre au XIV e siècle, elle se déclara pourtant avec énergie contre le roi Charles V, et, obligée d’ouvrir ses portes à Duguesclin, elle saisit la première occasion de revenir au duc.
Jean V, reconnaissant, y établit sa résidence et en fit la capitale du duché. Profitant de tous les avantages attachés à ce nouveau titre, Nantes, plus forte, plus vivante et plus belle que jamais, traversa assez tranquillement la longue période qui aboutit à l’abolition du duché de Bretagne par le mariage de la duchesse Anne avec Charles VIII. Dès lors elle devint française ; mais on conçoit l’attachement que les Bretons conservèrent pour leurs souverains nationaux, lorsqu’on remarque que l’époque d’abolition du duché fut précisément la plus brillante de la Bretagne indépendante.
François II avait établi une université à Nantes ; il avait achevé, en 1480, ce beau château fondé en 938 par Alain Barbe-Torte, et qui, plus tard, fit dire à Henri IV : « Ventre-saint-gris ! les ducs de Bretagne n’étaient pas de petits compagnons. »
Des traités de commerce passés avec l’Angleterre, l’Espagne et les puissances du Nord, assuraient la tranquillité de la marine. Alors aussi florissait le poète nantais Meschinot, dont Marot prisait fort les vers, et Michel Colomb, l’habile sculpteur, qui devait élever le tombeau du dernier duc.
Nantes était si riche, qu’elle avait pu envoyer à Charles VIII deux navires de mille tonneaux chacun, et néanmoins, devenue française, elle devait voir encore sa prospérité augmenter.
À chaque visite royale, la ville se livrait, par ostentation, à des prodigalités immenses qui dénotaient sa richesse. C’étaient des seize mille litres de vin, des dix mille livres de confitures, des joutes sur l’eau, des processions, des fêtes de toutes sortes organisées rapidement ou luxueusement, et qui augmentaient sa réputation par toute la France.
Sagement administrée, elle vit s’écouler, sans en souffrir, la pénible époque des guerres religieuses, respectant humainement les cultes divers en dépit de l’un de ses évêques, Antoine de Créquy, qui voulait massacrer les protestants. À la Saint-Barthélemy, elle refusa énergiquement et héroïquement de prendre part aux horreurs commises. On lit encore aujourd’hui dans le livre de ses délibérations : « Rassemblés dans la maison commune, le 3 septembre 1572, le maire de Nantes, les échevins et suppôts de la ville, les juges consuls, firent le serment de maintenir celui précédemment fait de ne point contrevenir à l’édit de pacification rendu en faveur des calvinistes, et firent défense aux habitants de se porter à aucun excès contre eux. »
Peut-être fut-ce cette déclaration, plus encore que sa révolte ouverte en faveur du duc de Mercœur, qui amena dans ses murs le Béarnais triomphant pour y rendre ce fameux édit par lequel la tolérance religieuse aurait dû devenir une loi de l’État, et qui, commenté, interprété, violé et rétabli tour à tour, fut la source de tant de maux et de tant de crimes.
Louis XIII vint trois fois à Nantes ; la dernière, en 1626 : Richelieu l’accompagnait et fit tomber, au pied du vieux château du Bouffay, la tête illustre d’Henri de Talleyrand, comte de Chalais, qui ne se détacha complètement du corps qu’au trente-cinquième coup de hache !
Ce château du Bouffay ne devait pas manquer de prisonniers fameux : le cardinal de
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