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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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Pinard.
    – Alors, faut trouver un moyen.
    – Sans cela nous serions pourris d’aristocrates.
    – Faut les brûler en masse !
    – Faites sauter les prisons avec eux !
    – Faites marcher le rasoir national jour et nuit !
    – Très bien, mes Romains, interrompit Pinard ; vous avez tous d’assez bonnes idées, mais je crois en avoir trouvé une meilleure.
    – Qu’est-ce que c’est ?
    – Parle vite !
    – Raconte-nous cela !
    – La parole est à Pinard.
    Et les sans-culottes, se pressant davantage, contraignirent le lieutenant de Carrier à monter sur un banc pour être à même d’être mieux entendu de tous. Pinard jeta autour de lui un regard de complaisance et commença :
    – Mes braves sans-culottes, vous allez me comprendre en deux mots. Vous connaissez tous la place du département, qui est située à l’autre extrémité de la ville ?
    – Oui ! cria-t-on de toutes parts.
    – Eh bien ! je propose que l’on y conduise tous les soirs quelques centaines d’aristocrates ; qu’on les range en ligne : que l’on établisse une batterie d’artillerie en face d’eux, et que, pour s’entretenir la main, les vrais patriotes tirent dessus à mitraille. Ça vous va-t-il ?
    – Bravo ! s’écrièrent les sans-culottes.
    – A-t-il des idées, ce Pinard ! disait l’un.
    – En voilà un vrai républicain ! ajoutait un autre.
    – Un pur patriote !
    – Dame ! il était à Paris en septembre.
    – Vive Pinard ! hurla la bande.
    – Mais, fit observer une voix, Gonchon n’aura pas le temps de les juger !
    – On ne jugera pas ! répondit Pinard.
    – C’est vrai, ajouta Brutus ; ça nous épargnera du temps.
    – Alors, c’est bien convenu, bien entendu ? demanda encore Pinard.
    – Oui ! oui ! oui !
    – Eh bien ! qui est-ce qui veut venir avec moi porter la motion au citoyen Carrier ?
    – Moi ! moi ! moi ! crièrent vingt bouches différentes.
    – Vous êtes trop pressés, mes Romains. Il ne m’en faut que deux, et je désigne Brutus et Chaux.
    Les deux sans-culottes désignés étaient ceux qui portaient à leurs bonnets des oreilles sanglantes. Pinard sauta à bas de son banc, et, au milieu d’un concert louangeux d’énergiques félicitations, il se dirigea vers la porte donnant accès dans l’intérieur de la maison. Chaux et Brutus le suivirent.
    La demeure de Carrier était gardée soigneusement de toutes parts. On n’y pénétrait jamais, même les familiers les plus connus, sans un mot de passe, changé chaque jour. L’exemple de Marat, assassiné le 14 juillet précédent, était toujours devant les yeux du proconsul. Il redoutait les vengeances particulières qu’auraient pu exercer sur lui les parents de ses victimes. Aussi se faisait-il garder à vue. Néanmoins, Pinard et ses deux amis pénétrèrent facilement dans la maison, car tous trois avaient le mot d’ordre. Arrivés au premier étage, un factionnaire les empêcha de passer.
    – Est-ce que le citoyen n’est pas dans son cabinet ? demanda Pinard.
    – Si fait.
    – Alors je vais lui parler.
    – Pas maintenant. Il est en conférence, et il m’a donné l’ordre d’empêcher d’entrer.
    – Alors nous allons attendre dans le salon.
    – Tu en as le droit, d’autant que ça ne sera pas long.
    Pinard, Chaux et Brutus poussèrent une porte à deux battants et entrèrent dans une vaste pièce parfaitement meublée et garnie de sièges en bois doré, recouverts d’étoffes de soie. Ils allumèrent leurs pipes au brasier qui brûlait dans la cheminée, et, s’enfonçant chacun dans un moelleux fauteuil, ils se mirent en devoir de passer en causant le temps de l’attente. Le contraste qu’offraient ces hommes aux costumes hideux, tout maculés de taches de sang, et ce mobilier superbe, était quelque chose d’impossible à décrire. De temps en temps on entendait à travers l’épaisseur de la muraille un bruit de voix confus arriver jusqu’au salon. Ce bruit de voix partait du cabinet du proconsul.
    – Le citoyen a l’air de se fâcher, dit Brutus en lâchant une énorme bouffée de fumée.
    – Peut-être bien qu’il se dispute avec sa femme, répondit Pinard.
    – Ou qu’il s’amuse avec la citoyenne Angélique Carron, ajouta Chaux en riant.
    – Et comment Angélique vit-elle avec sa nouvelle compagne ? demanda Pinard.
    – Laquelle ?
    – Ah ! c’est vrai, ce Carrier est pire qu’un Turc. Il en change tous les

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