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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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lâcheté.
    Son costume affichait une certaine recherche ; copiant Robespierre, il portait les culottes courtes, les bas de soie et l’habit noir, à la boutonnière duquel s’épanouissait une fleur ; seulement, il faisait fi de la poudre. L’écharpe tricolore était toujours nouée autour de sa taille.
    Au moment où nous pénétrons dans le cabinet que nous venons de décrire, la citoyenne Carrier était accroupie près d’une fenêtre, tricotant avec acharnement.
    C’était un quart d’heure à peu près avant l’arrivée de Pinard sur la place.
    Le proconsul, assis au milieu du large divan adossé à la muraille, au-dessous de la gravure représentant la guillotine en question, se prélassait sur les coussins soyeux. Sur ce même divan étaient couchées deux femmes, l’une à droite, l’autre à gauche du commissaire national, toutes deux étendues dans une position à peu près semblable, et toutes deux ayant leur tête appuyée sur un coussin de chaque côté de Carrier. Chacune des mains du proconsul jouait avec les tresses de cheveux qui se déroulaient sur les épaules des deux femmes.
    La première, celle de droite, était une jeune fille de vingt à vingt-quatre ans, admirablement belle ; ses grands yeux arabes flamboyaient dans l’ombre, dégageant leur fluide magnétique ; ses sourcils, finement dessinés, tranchaient, par leur nuance foncée, avec la blancheur rosée du teint ; ses lèvres un peu épaisses, étaient plus rouges que le corail de l’Adriatique ; sa pose indiquait une admirable perfection de formes, une souplesse harmonieuse du corps et une sorte de distinction naturelle.
    Elle portait le costume qui commençait à faire fureur dans les salons des terroristes et qui devait briller de tout son éclat sous le règne cyniquement dépravé du Directoire. Une tunique blanche, rehaussée de franges cramoisies, était attachée sur l’épaule gauche par un superbe camée, laissant à découvert une partie de la gorge ; les jambes nues sortaient à demi de la jupe, et du bout de ses pieds mignons, chaussés de la sandale antique, elle jouait avec les glands du coussin sur lequel ils reposaient.
    Cette femme se nommait Angélique Caron, et était depuis quelques mois la favorite du harem. L’alliance de cette créature si belle et de ce lâche assassin est une de ces monstruosités dont la bizarrerie est si grande qu’elle éblouit ceux qui la contemplent. Angélique était vive, spirituelle et gaie ; elle se servait souvent de son influence sur le proconsul pour lui arracher quelque grâce qu’elle sollicitait aux heures propices. Néanmoins, l’histoire ne lui a pas pardonné de s’être faite la compagne des orgies de Carrier. L’histoire a flétri Angélique et l’histoire a eu raison : rien ne peut excuser son séjour auprès du monstre sanguinaire.
    L’autre femme, vêtue à peu près du même costume, paraissait de quelques années plus âgée qu’Angélique, mais elle était fort belle encore et certainement plus élégante que sa compagne ; les traits de sa figure étaient plus nets, mieux dessinés, les formes de son corps plus accentuées et plus robustes. Il y avait plus de science dans sa pose, plus de coquetterie effrontée dans son regard et l’expression ironique qui se peignait sur sa physionomie lorsqu’elle jetait un coup d’œil sur sa rivale, dénotait la conscience qu’elle avait de sa supériorité morale.
    Carrier se récréait près de ces deux femmes, tandis que la citoyenne Carrier tricotait philosophiquement.
    – Ainsi, disait le proconsul à sa compagne de gauche dont il s’amusait à tirer les longues tresses d’ébène, ce qui parfois arrachait un cri de douleur à la femme, ainsi, tu trouves mon idée à ton goût ?
    – Je la trouve excellente.
    – Eh bien, nous l’essayerons ce soir.
    – Sur qui ?
    – Sur la bande de calotins que l’on a arrêtés hier.
    – Mais je ne comprends pas, moi, dit Angélique.
    – Sotte ! fit Carrier en frappant sur l’épaule nue de sa belle maîtresse un coup tellement sec de sa main droite, que la marque des doigts se détacha aussitôt, rouge et marbrée, sur la peau blanche et satinée d’Angélique Caron.
    – Tu me fais mal !… fit-elle en tressaillant sous l’effet de la douleur.
    – Pourquoi as-tu l’intelligence si dure ?
    – Explique-toi mieux, je te comprendrai.
    – Hermosa comprend bien, elle.
    – Hermosa a toutes les qualités depuis deux jours, nous

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