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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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couvraient à peine. Une pluie fine et continue tombait au dehors.
    – J’ai chaud ! j’ai bien chaud ! répétait-elle en s’efforçant de dégrafer son corsage et en arrachant son justin délabré.
    Tout à coup sa physionomie changea subitement d’expression, comme cela lui était arrivé en présence de Diégo. Le calme fut remplacé par la terreur ; son esprit parut subir une tension extraordinaire. Le corps penché en avant, une main placée près de l’oreille, elle prit la pause d’une personne qui écoute attentivement.
    – Voilà les gendarmes ! dit-elle à voix basse. Ils viennent pour arrêter le recteur ! Oh ! non ! non ! je ne le crois pas ! Qu’a-t-il fait, notre bon recteur, pour qu’on veuille le conduire en prison ?
    Puis, s’adressant à un personnage imaginaire :
    – Père, continua-t-elle, ne sors pas ! Reste… Pourquoi m’ordonnes-tu d’aller prévenir Jahoua ?… Il va venir, tu le sais bien. Tu le veux ?… Non, laisse-moi près de toi ; j’ai peur !… Tu te fâches ?… Eh bien ! ne me gronde pas… j’y vais… tu le vois… j’obéis… je sors par le jardin. Ah ! voici les genêts… Il faut les traverser pour gagner la route des Pierres-Noires. Oh ! comme la nuit descend vite ! Il fait sombre ! Vite !… vite !… Je vais courir…
    Ici l’expression de son visage décela un effroi plus grand encore. Elle poussa un cri et se débattit en reculant.
    – Laissez-moi !… laissez-moi !… cria-t-elle ; je ne vous connais pas… Que voulez-vous ? Où suis-je donc maintenant ?… Oh ! ce cheval !… Mon Dieu ! à mon secours ! Ah ! la cellule de la bonne abbesse. Oui… je la reconnais ; c’est elle ! c’est le couvent de Plogastel… Je vais prier… je vais… Non… non !… Il faut que je me sauve… que je me…
    Yvonne s’arrêta ; ses yeux s’ouvrirent démesurément. Elle voulut crier encore ; cette fois le cri ne put sortir de sa gorge. Une pensée effrayante la dominait évidemment.
    – La baie des Trépassés ! murmura-t-elle enfin. La baie des Trépassés ! Mon père !… Jahoua, je ne vous verrai plus sur cette terre. Adieu !… Je suis morte !… Mon âme revient ! Oh ! je prierai pour vous !… Ne m’oubliez pas ! !…
    Yvonne s’arrêta encore.
    – Quel est cet homme ? Que me veut-il ? dit-elle brusquement. Il m’emmène… il me prend dans ses bras… À moi ! à moi ! au secours !… Ah ! je le reconnais ! Je l’ai vu !… C’est lui… c’est lui !… répéta-t-elle machinalement en se calmant tout à coup.
    Elle se laissa tomber sur une chaise, et ses pensées parurent prendre un autre cours. Un bruit léger, semblable à celui d’une clef que l’on introduit dans une serrure, retentit à la porte. Yvonne se leva doucement et marcha sur la pointe du pied.
    – C’est lui !… dit-elle en écoutant ; c’est Jahoua…
    La porte s’ouvrit et Pinard parut sur le seuil. Il était seul. À peine fut-il entré qu’Yvonne courut à lui. La nuit était venue peu à peu, et l’obscurité était complète. La jeune fille saisit les mains du sans-culotte :
    – C’est toi ? dit-elle doucement ; c’est toi ? Tu es venu bien tard !
    – Tiens ! tiens ! tiens ! pensa Pinard, nous sommes donc dans un moment d’amabilité ! Au fait ! elle est gentille, la petite.
    Et le misérable, passant son bras autour de la taille d’Yvonne, l’embrassa familièrement.
    – C’est mal ; tu m’as surprise, fit Yvonne en se reculant. Je t’avais défendu de m’embrasser. Si mon père nous voyait !
    – Mais il ne nous voit pas ! répondit Pinard en ricanant.
    Yvonne poussa un cri.
    – Ce n’est pas Jahoua ! dit-elle vivement. Mon Dieu ! qui donc est ici ?
    – Eh ! c’est moi, parbleu ! s’écria le sans-culotte. Allons, viens ici. Je me sens en gaieté ce soir. Nous allons rire un peu, et, si tu es sage, je te conduirai à souper chez Carrier. Bonne idée, tout de même ! continua Pinard. Je ne sais pas pourquoi elle ne m’est pas venue plus tôt. Ça les fera enrager tous ces gueux-là, qui croient que je ne peux pas être adoré comme les autres, parce que, jusqu’ici, ces aristocrates des prisons ont mieux aimé mourir que d’être gentilles avec moi. On leur montrera qu’on a une maîtresse qui vaut bien les leurs ! Allons, la Bretonne. Tu vas mettre les beaux atours que j’ai rapportés avant-hier. C’est une robe d’aristocrate ; ça

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