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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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di Bacco ! tu m’échauffes les oreilles, à la fin.
    – Laisse-les refroidir ! Réfléchis que tu n’es pas libre de nous compromettre tous deux.
    – Et en quoi nous compromettrais-je ?
    – Si Yvonne revient à la raison, elle s’échappera promptement ; elle pourra rencontrer Marcof, Keinec ou Jahoua et mettre l’un de ces êtres-là sur nos traces. Le premier surtout ! s’il nous soupçonnait ici seulement, il serait capable de venir à Nantes nous chercher.
    – C’est possible ! dit Diégo en réfléchissant.
    – Alors, adieu nos beaux projets !
    L’Italien ne répondit pas, mais un nuage sombre était descendu sur son front et il paraissait méditer profondément ; son œil même se détourna du corps de la pauvre Bretonne.
    Pinard vida un nouveau verre et continua :
    – Songe que tout nous a réussi jusqu’ici. Carrier a cru bonnes les signatures que j’ai su imiter ; il pense agir en vertu d’ordres émanant de Robespierre ; il te prend pour un envoyé du Comité de salut public ; bref, il obéit et il marche à la baguette. Nous ne pouvions désirer mieux. Mais maintenant que tu as été contraint de lui livrer une partie de notre secret concernant la fortune du marquis, il serait homme, sais-tu bien, à nous faire disparaître pour la confisquer tout entière à son profit et ne plus avoir à partager avec nous. Or, s’il se doutait de la vérité, la chose lui serait facile et nous serions guillotinés ce soir même. Enfin, mon cher, j’ajouterai encore que je puis disposer d’Yvonne à mon gré, et je t’engage à réfléchir aussi que ta vie est entre mes mains.
    – Comment cela ?
    – Tu as joué au noble, jadis. Si je t’appelais tout haut monsieur le comte de Fougueray, tu pourrais la danser, mon cher !
    – Oui, mais tu perdrais un million à ce jeu-là. Sans moi, tu ne pourrais rien tirer du marquis, et je ne suis pas assez bête pour te livrer mon secret. Moi mort, adieu tes rêves d’ambition et le moyen de les réaliser jamais.
    – Eh ! je le sais bien ! Tu me tiens par l’intérêt ! dit Pinard avec cynisme.
    – Parbleu ! si la chose n’était pas ainsi, crois-tu que j’aurais été me mettre dans tes griffes ? Tu as été témoin de mon aplomb auprès de Carrier, et pour agacer le tigre dans son antre il faut avoir du courage, tu en conviendras ?
    – Je ne dis pas non.
    – Alors puisque tu sais ce que je vaux et que je ne suis pas homme à reculer, ne nous fâchons pas.
    – Si nous nous fâchons, ce sera ta faute. Pourquoi viens-tu me parler de cette petite bonne à guillotiner ?
    – Parce qu’elle est encore si jolie que cela m’ennuie de la voir martyriser.
    – Bah ! tu t’occupes de sa santé ! s’écria Pinard dont la physionomie prit subitement une expression de haine et de sauvagerie épouvantable. Tu ne penses donc pas à ceux qui la cherchent ? Moi, entends-tu, je ne vois en elle que la fiancée de Jahoua, l’amie de Marcof, celle que Keinec adore, et je la fais souffrir pour me venger. Si je faiblissais, je regarderais mes mains mutilées et je n’aurais plus de pitié… Non, il faut qu’elle me paye les tortures que j’ai supportées !… J’en ai fait mon esclave, mon chien ! À force de la battre, je lui ai appris à m’obéir malgré sa folie ! Que m’importe qu’elle soit belle ou laide, pourvu qu’elle sente la douleur et qu’elle crie sous la corde qui meurtrit ses épaules ! Chacun de ses gémissements me fait du bien au cœur. En gardant Yvonne près de moi, c’est ma vengeance sur laquelle je veille, et si aujourd’hui je pense à en finir, c’est que parfois j’ai peur qu’elle ne m’échappe.
    Diégo ne répondit pas, mais il se détourna avec un geste de dégoût. Le misérable avait commis bien des crimes, et cependant il se voyait si largement distancé par la farouche férocité du sans-culotte qu’il se demandait si c’était bien une créature humaine qu’il avait en face de lui. Une sorte de compassion luttait dans son esprit avec son désir ardent de voler la fortune de mademoiselle de Château-Giron. Il se leva et parcourut la chambre à grands pas, tandis que Pinard jetait un regard de chat-tigre sur le corps inanimé et ensanglanté de la pauvre Yvonne toujours évanouie. Le sang se coagulant sous la chevelure avait fini par arrêter l’hémorrhagie et ne coulait plus que lentement.
    Enfin l’Italien revint à sa place ; son visage avait changé d’expression.

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