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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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pris d’un vertige. Ce grand fragment représentait le visage d’une femme. Pourquoi suscitait-elle un tel trouble en lui ? Sa beauté lui faisait mal. Il songea qu’en cet instant son ami Fernand devait être dans les bras de son amie, tandis que celle de Margont avait deux mille ans et était composée de morceaux de pierre colorés... Ses idées s’assombrirent encore. Un boulet prussien le ferait aussi bien éclater dans quelques heures, le transformant en mosaïque de débris de chair...
    Il ne pouvait toujours pas se détacher de ce visage. Il tendit la main et lui effleura les joues, ensorcelé. Cette femme semblait vouloir lui dire quelque chose. Son regard bondissait d’une tesselle à une autre, contemplait le motif dans son ensemble, revenait sur un détail... Tantôt il voyait cette belle Romaine, tantôt des petits fragments de couleur... Son enquête lui revint à l’esprit. Chacun des indices, chacune de ses déductions était semblable à l’une de ces tesselles. Et leur bon agencement révélait le motif dans toute sa limpidité. Il avait tout compris ! Tout s’articulait, tout prenait sens ! C’était ce qu’il se répétait, mais cette femme paraissait lui murmurer : « Pas tout à fait... »

 
    CHAPITRE XLII
    Le 29 mars, Napoléon s’était levé à deux heures du matin. Marche effrénée pour l’armée française.
    Mais l’allure était malgré tout trop lente pour inquiéter les Alliés. L’Empereur décida donc de prendre plus de risques encore. Au galop avec seulement mille cavaliers commandés par le général Guyot ! L’armée suivrait aussi vite que possible. Il fallait se manifester, apparaître à grand fracas dans le dos de l’ennemi ! Utiliser la crainte qu’il suscitait, berner, faire croire qu’il surgissait avec toutes ses troupes...
    Ce même jour, les Parisiens, consternés, assistaient au départ pour Blois de l’impératrice Marie-Louise et de son fils, le roi de Rome, escortés de deux mille soldats.
    La veille au soir, un conseil de régence s’était tenu au palais des Tuileries, pour décider de la conduite à tenir. Talleyrand avait proposé que l’Impératrice et son fils demeurent dans Paris. Le conseil s’était rangé à cet avis. Marie-Louise elle-même souhaitait rester. Mais Joseph avait alors présenté une lettre de l’Empereur datée du 16 mars, dans laquelle ce dernier donnait l’ordre formel de faire partir son épouse et son fils si Paris venait à être menacé, afin de s’assurer qu’ils ne courraient pas le risque de tomber aux mains de l’ennemi. Tout le monde s’était plié à cette injonction, qui concernait également nombre de dignitaires, ministres, membres du Sénat...
    Dans l’espoir de minimiser l’impact de ce départ, Joseph fit afficher partout une proclamation dans laquelle il annonçait que lui resterait dans Paris. En vain. Cet événement au goût « aigre » donna naissance à une chansonnette qui se répandit partout :
    Le grand roi Joseph, pâle et blême,
Pour nous sauver reste avec nous
Croyez, s’il ne nous sauve nous,
Qu’il se sauvera bien lui-même !
    Les maréchaux Marmont et Mortier arrivaient aux abords de la capitale et positionnaient aussitôt leurs douze mille soldats pour protéger la ville.
    Les Alliés, eux, organisaient leurs multitudes de combattants. Des troupes furent dépêchées pour occuper divers points stratégiques, d’autres seraient tenues en arrière, en soutien ou pour faire face à l’éventuelle arrivée de Napoléon. L’attaque de Paris allait être menée par une vague d’assaut de cent trente-cinq mille hommes répartis en trois colonnes géantes, trois Titans. Les Alliés s’attendaient à une faible résistance, mais ils allaient néanmoins jeter toutes leurs forces disponibles dans la bataille. Parce qu’il leur fallait vaincre le plus vite possible.
    Au fur et à mesure que les régiments arrivaient en vue de la capitale, ils exultaient. Des dizaines de milliers de voix criaient « Paris ! Paris ! » tout en brandissant des fusils et des sabres.

 
    CHAPITRE XLIII
    Ce 30 mars, on battait la générale dans les faubourgs de Paris. Le front français, en arc de cercle, s’étirait sur seize kilomètres et constituait la ligne de défense extérieure, aux abords de la capitale. Il s’organisait en deux ailes. Le maréchal Mortier commandait celle de gauche, à l’ouest ; le maréchal Marmont celle de droite, à l’est ; Joseph Bonaparte vint

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