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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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des Tuileries. Il s’agissait en fait de tout un projet d’urbanisme : édification d’habitations de qualité à toiture en carène, réalisation d’un égout, pavement de la rue... Ainsi était née la rue de Rivoli. Mais personne ne se décidait à acheter un logement dans ces bâtiments tous identiques et alignés comme des soldats de pierre attendant d’être passés en revue par l’Empereur. Il était très humiliant pour Napoléon de constater que les Parisiens ne voulaient pas de sa magnifique rue de Rivoli. Pour tenter de résoudre ce problème, le gouvernement impérial offrait maintenant trente ans d’exemption d’impôts à tout acheteur. Mais rien à faire, Rivoli demeurait vide... Lefine avait essayé de convaincre Margont de mettre leurs maigres économies en commun pour y acquérir un logement, car lui était persuadé que cet emplacement prendrait un jour de la valeur. Margont avait bien sûr refusé. Franchement, qui voudrait laisser à ses enfants un héritage aussi misérable qu’un appartement rue de Rivoli ?
    Il aperçut Charles de Varencourt, auquel il avait donné rendez-vous par l’intermédiaire d’une femme qui mendiait dans la rue, et lui fit signe. Décomposé, celui-ci ressemblait à un navire en perdition. On avait de la peine à le reconnaître. Il essuyait souvent son visage, que recouvrait aussitôt une nouvelle pellicule de sueur. Il darda un regard noir sur Margont.
    — Vous voulez notre mort ? Pourquoi m’avez-vous convoqué ? Ah, je n’aurais jamais dû venir. Je vous accorde cinq minutes.
    — C’est moi qui décide, pas vous. Si vous n’étiez pas venu, je serais allé moi-même taper à votre porte jusqu’à ce que vous m’ouvriez !
    Varencourt haletait, cerf traqué qui entend les aboiements et le son des cors se rapprocher.
    — Ah ! Voilà pourquoi on vous a confié cette enquête ! C’est que vous n’avez aucune conscience du danger ! Vous l’ignorez, mais vous êtes un mort ambulant.
    Tout en parlant à voix basse, il entraînait Margont à l’écart, alors que, comme d’ordinaire, il y avait peu de passants.
    — Les Alliés marchent sur Paris ! Alors les royalistes ne connaissent plus de limites. C’est à qui ira le plus loin, qui frappera le plus fort. On se croirait dans un chenil dont les cages sont en train de céder sous les coups de tête.
    Margont le scrutait. Il parla avec ironie :
    — Cela fait un moment déjà que la situation est critique. Y aurait-il une autre raison qui expliquerait votre panique ?
    Varencourt pâlit plus encore. On eût dit un bonhomme de neige fondant sous le soleil.
    — Finalement, vous faites bien de ne pas jouer aux cartes. Parce que, quand vous avez perdu, vous ne savez pas le reconnaître à temps. Quand j’ai une mauvaise main, je me retire du tour. Or, dans la situation présente, je tire des cartes de plus en plus défavorables et vous m’obligez à poursuivre et à augmenter les mises. Quand je suis allé trouver la police, je croyais que l’Empereur écraserait les Alliés, comme d’habitude. Je n’avais pas prévu qu’ils arriveraient jusqu’ici. J’ai misé sur le pique, et voilà que survient une avalanche de carreaux et de coeur. Si les Alliés l’emportent, ils feront main basse sur ces millions de feuilles qu’a accumulées l’Empire : dossiers, rapports, comptes rendus... De toute l’histoire de l’humanité, on n’a jamais vu bureaucratie aussi tatillonne et monstrueuse. Ils étudieront tout, scrupuleusement, et nous finirons par être démasqués. Au lieu de parler avec vous, je devrais être en train de m’embarquer sur le premier navire.
    — Un grand joueur comme vous ne se laisserait pas démonter aussi facilement. Vous me cachez quelque chose.
    — Comment savez-vous que j’aime jouer à ce point ?
    — Vous éludez ma question.
    — Le comité directeur se réunit ce soir. J’ignore encore où. Ils viendront probablement vous chercher. Vous ne devriez pas y aller. Disparaissez, voilà le meilleur conseil que je puisse vous donner.
    — Eh bien moi, le meilleur conseil que je vous donne, c’est de ne pas disparaître, vous. Parce que si cela se produisait, la police aurait tôt fait de vous faire réapparaître. Saviez-vous que les Épées du Roi étaient en contact avec le comte Kevlokine ?
    — Avec qui ?
    Varencourt fronçait les sourcils. Margont eut envie de l’agripper par le col et de le secouer en tous sens.
    — Arrêtez de me

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