Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
Vom Netzwerk:
prendre pour un imbécile ! Vous savez fort bien de qui je parle.
    — Vous vous obstinez à ne pas vouloir comprendre ? Nous avons tout misé sur le perdant !
    Margont ne parlait pas la même langue que Varencourt. Pire, leurs esprits n’étaient même pas composés de la même matière : le sien était abstrait, impalpable comme les idées, tandis que celui de Charles de Varencourt, tout en rouages et en engrenages, ressemblait à la machine à calculer de Pascal.
    — Je vais formuler ma question différemment, reprit Margont. Pourquoi ne m’avez-vous pas parlé du comte Kevlokine ?
    — Parce qu’il y a des limites à ne pas franchir !
    Le visage de Varencourt se modifia. Il exprimait maintenant plus la résolution que la peur.
    — Ce sujet-là leur tenait trop à coeur. Le groupe évoquait souvent la nécessité d’arriver à se mettre en relation avec le principal agent du Tsar. On en parlait justement parce que l’on ignorait comment le contacter. Et tout à coup, quelques semaines avant votre admission, ce sujet a disparu des conversations. Hop !
    Il avait claqué des mains, comme un pitre de foire.
    — Par contre, le vicomte de Leaume connut alors ce que j’appellerais une flambée de toute-puissance. Notre groupe était «le fer de lance du combat contre le tyran », nous allions « prendre l’ennemi en tenaille »... J’ai pensé qu’il avait enfin réussi à contacter ce Kevlokine. Je songeai qu’un pas important avait été accompli et notai avec amertume que l’on me tenait à l’écart de cette heureuse nouvelle. J’ai beau être un traître, j’ai ma susceptibilité. Un soir – une dizaine de jours avant notre rencontre –, je lançai donc, l’air de rien : « Je suis convaincu que nous rendons de grands services à la cause de la Restauration. Malheureusement, nos mérites ne parviendront jamais à l’oreille de Sa Majesté. »
    Il grinça des dents.
    — Ah, si vous aviez vu leurs regards ! Rien que d’en parler, je les revois s’adressant des coups d’oeil. Cela, ils me le paieront ! Il y a des jours où être un traître et poignarder les gens dans le dos vous apporte des satisfactions autres que purement financières. Je crois que tous savaient sauf moi ! Ce fut le baron de Nolant qui se prit dans mon filet. N’ayant pas prêté attention aux regards des autres et étant lancé dans le vif de la conversation, il me répondit : « Le Tsar informera Sa Majesté. » « Où en sommes-nous, du côté des recrutements ? » intervint Jean-Baptiste de Châtel. Et la conversation s’en alla dans cette nouvelle direction. Un peu trop rapidement et de manière décousue.
    — Pourquoi ne m’avez-vous pas raconté tout cela ?
    — Parce que c’est un sujet trop dangereux ! Ils devaient préparer un plan dans lequel ce Kevlokine jouait un rôle.
    Margont s’obligeait à demeurer calme. Varencourt ressemblait au Moniteur ou au Journal de Paris  : le vrai s’y mélangeait aux mensonges. C’était tout un art que de rayer le faux et de remettre les phrases dans le bon sens. Mais, en étant attentif, en repérant les contradictions et en éliminant les invraisemblances, on pouvait y parvenir. De ces pépites, une fois qu’on les avait débarrassées des scories, on obtenait de la poussière d’or de vérité.
    — Donc, en somme, résuma Margont, vous nous avez parlé de tout sauf du plus important.
    Varencourt leva l’index, avocat de sa propre cause perdue.
    — Pas exactement. Je dirais plutôt que tout est lié. Les affiches, le comte Kevlokine, la rébellion, l’assassinat du colonel Berle... Par contre, j’ignore qui a tué l’agent du Tsar. Mais, depuis ce meurtre, ils ont changé...
    Varencourt s’interrompit, prenant conscience qu’il avait trop parlé.
    — Donc vous êtes au courant ! Comment le groupe a-t-il su que Kevlokine avait été assassiné ? le pressa Margont.
    — Honoré de Nolant connaît du monde... Il a des informateurs... J’ignore qui... Mais Leaume m’a révélé ce matin que le comte avait été tué. Il ne m’en a pas dit plus.
    — Il est venu chez vous ?
    — Non. J’étais en train de jouer dans une auberge que j’affectionne. Le vicomte de Leaume est arrivé à l’improviste et m’a invité à une «promenade ». J’ai eu droit à de multiples questions à votre sujet. Il m’a redemandé où nous nous étions rencontrés, quand, comment, par l’intermédiaire de qui, pourquoi. Heureusement,

Weitere Kostenlose Bücher