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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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qu’est une maladie, mais c’est un autre sujet. Il ne s’agit pas d’une personne qui aurait été atteinte d’un accès de manie avec manifestation de fureur aveugle, car elle aurait tout détruit dans la pièce, aurait fait un vacarme épouvantable qui aurait fait accourir la police, se serait jetée sur la force publique... Je ne crois pas non plus qu’elle entende des voix, car les pauvres âmes qui souffrent de ce fléau ont l’esprit si dérangé par ces phénomènes que, quand elles en viennent à commettre un crime, elles sont assez facilement démasquées. Parce que leurs idées sont si perturbées qu’elles sont incapables de mettre au point et d’exécuter un plan cohérent. En outre, la maladie s’exprime de manière manifeste, dans leur comportement, dans leurs propos...
    — Je n’ai rien remarqué de tel chez mes suspects.
    — Cet homme est en pleine possession de ses facultés intellectuelles. Mais il a été profondément troublé par le feu et essaie de se libérer de l’emprise de ce souvenir. Il existe bien des passions débilitantes ou oppressives : chagrin, haine, regrets, crainte, remords, envie, jalousie... Mais elles ne dégénèrent en aliénation mentale que parvenues à un très haut niveau d’intensité et, souvent, à la suite d’une commotion, d’un choc.
    Margont joignit les mains. C’était un geste machinal, comme si ses idées avaient flotté devant lui, tels des moucherons, et qu’il avait voulu les rassembler. On pouvait également voir là l’étrange prière d’un croyant si en colère contre la religion qu’il se disait athée.
    — Il se trouve caché parmi des monarchistes... Pourrait-il partager ses pensées entre sa hantise et son idéal politique ? Non, tout est hé au feu. D’une manière ou d’une autre, même la piste royaliste doit ramener au feu.
    Pinel hocha la tête.
    — Je le pense aussi. Il semble présenter une véritable monomanie du feu. C’est une idée fixe, exclusive. Même si un autre sujet l’intéresse, qui n’a rien à voir initialement avec le feu, le feu se propagera jusqu’à celui-ci et l’incendiera.
    — Un autre sujet ou une autre personne... Et il en sera ainsi jusqu’à ce qu’il réussisse à éteindre ce brasier – en supposant que tel soit son but. Comment y parviendra-t-il ?
    Pinel eut un sourire gêné.
    — Vous connaissez la réponse, n’est-ce pas ?
    Effectivement. Margont avait été hanté par son propre « feu » : l’enfermement dans l’abbaye Saint-Guilhem-le-Désert.
    Malheureusement, le temps que celui-ci soit enfin réduit à l’état de braises, un nouvel incendie avait été allumé en lui par la guerre...
    — Il lui faut régler ses comptes avec son passé...
    — N’est-ce pas ce que nous faisons tous, toute notre vie durant ?
    — Pourquoi les brûlures sont-elles différentes chez les deux victimes ? Le visage, puis les bras... Cela a-t-il un sens ?
    — Oui, cela un sens, même si j’ignore lequel. Vous ne devez pas négliger cette question. Parce que le feu est au coeur de la monomanie de ce criminel. Toutes ses pensées convergent tôt ou tard vers le feu. Donc rien de ce qu’il fait avec le feu n’est lié au hasard.
    Sur la question du curare, en revanche, Pinel ne fut d’aucun secours. Margont serra chaleureusement la main du médecin. Son corps était épuisé – comme si cette conversation avait été une course de plusieurs heures –, mais son esprit avait recouvré tout son mordant.
    — Je ne vous remercierai jamais assez !
    — Bonne chance. Et réfléchissez à ma proposition...

 
    CHAPITRE XXX
    Ce 28 mars, à Saint-Dizier, Napoléon tenait un nouveau conseil de guerre, maintenant que le véritable plan des Alliés avait été percé à jour. La veille, on avait appris la destruction de la division du général Pacthod et la retraite des maréchaux Marmont et Mortier vers Paris. Seul le maréchal Macdonald était favorable à l’abandon de la capitale et proposait de mettre les arrières ennemis à feu et à sang. Tous les autres officiers voulaient tenter de sauver Paris. L’Empereur trancha. L’armée française allait se précipiter au secours de la capitale. Une course contre les Alliés débutait.

 
    CHAPITRE XXXI
    Margont patientait sous les arcades de la rue de Rivoli. En 1801, Napoléon Bonaparte avait décidé de faire percer une longue et large voie sur un axe est-ouest. Celle-ci longeait, entre autres, le Louvre et le palais

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