La momie de la Butte-aux-cailles

grand-mère. »
    En Angleterre, c’est l’indignation. Le bruit s’y répand d’un conflit imminent avec l’Allemagne.
    Les Italiens, déjà installés en Érythrée et en Somalie, affrontent en Abyssinie les troupes du négus Ménélik II. Ils essuient une terrible défaite à Adoua. L’émotion considérable ressentie en Italie entraîne la démission du président du Conseil des ministres, M. Crispi, ainsi que celle de son cabinet.
    L’Anglais Lord Herbert Kitchener se bat contre le Mandi (en arabe : « Le bien dirigé »), qui est devenu maître de tout le Soudan.
    Aux Antilles, les Cubains soutiennent depuis deux ans leur lutte d’indépendance contre les forces de l’ Espagne.
    Le Japon signe un traité avec la Russie sur la Corée qui devient un condominium, c’est-à-dire la propriété des deux puissances.
    En Turquie, de septembre 1895 à février 1896, le nombre des victimes arméniennes des massacres s’élève à 25 000. En Crète des troubles sanglants ont lieu.
    Djibouti entre dans la famille des colonies françaises sous le nom de Côte française des Somalis.
    Le général Gallieni est promu gouverneur de Madagascar.
    Cette année-là, en France, on peut lire dans L’Illustration qu’un électricien américain, M. Rich, a prosposé l’emploi d’une torpille aérienne pour bombarder les villes.
    « On ne peut que se réjouir de l’apparition d’engins aussi terribles, car le temps approche où les moyens de destruction seront tels que la guerre deviendra impossible. »
    En attendant, dans l’armée française, la vitesse du pas accéléré est ramenée dans l’infanterie de 127 à 120 par minute, sa longueur restant fixée à 27 centimètres.
    « Être curieux de tout et ne s’intéresser à rien, voilà le reportage », écrit Ferdinand Brunetière, le directeur de la Revue des Deux Mondes , honni par Verlaine. Le lecteur lambda, lui, se délecte des faits divers qui émaillent la presse. En février, les fêtes du Bœuf Gras, supprimées depuis vingt-six ans, sont remises au goût du jour. L’espérance de vie moyenne des médecins en 1896 est de 56 ans et 7 mois. Un fermier de Seine-et-Oise élève avec moult sollicitude un veau à deux têtes. Les statistiques de la Préfecture de police annoncent que Paris compte le plus grand nombre d’étrangers, soit 181 000. Ce chiffre « inquiétant », selon Le Petit Journal , n’est qu’une estimation : « Beaucoup d’immigrants exotiques ne se déclarent pas pour des raisons qui doivent les rendre suspects. » Une invention très pratique va révolutionner le quotidien des Français : le Mouchivore, sorte de plaque métallique à rainures imbibée de miel ou de confiture, dotée d’un mouvement rotatif, où s’emprisonneront dans un cône surmontant la plaque les mouches et autres insectes malvenus. Cette innovation n’est pas superflue quand on apprend que, tant qu’on secouera les chiffons par les fenêtres et qu’on crachera par terre, les microbes seront heureux. On se console avec le record détenu par nos voisins anglais dont les ice-creams qui se vendent en plein air contiennent de la poussière de charbon, des débris de paille et de bois, des fibres textiles, du tabac, des poils, des mouches, des pattes de punaises, voire des punaises entières, soit 7 millions de microbes par centimètre cube. En France, les limonades de marque n’atteignent que le score de 1 million de microbes par centimètre cube. Le Monde illustré n’est pas en reste et se pose une question cruciale : « Parmi les droits de l’homme, convient-il de faire figurer le droit au crachat ? » On espère que le triomphe de l’automobile modifiera les faits : « Avec l’automobile, la machine et son conducteur se mettront à cracher en chœur. »
    La première automobile Ford est mise en service, mais la bicyclette est toujours reine et détrône encore les voiturettes de série sur pneus Léon Bollée. On dénombre 160 000 vélos en France, dont plus de 25 000 à Paris. Fin 1896, 300 fiacres seront équipés de pneus Michelin dans la capitale, ce qui contribuera à atténuer le vacarme des roues cerclées de fer. Désormais on peut prendre l’omnibus à des arrêts fixes. Les Américains, eux, sont tenants de la bicyclette à musique, qui sera à l’art ce que l’orgue de Barbarie est à l’opéra. « Qui jouera de l’opérette, qui Parsifal ? » s’interroge L’ Illustration .
    En janvier, à Vienne, a lieu