La mort bleue
comble de la cruauté.
â Je nâirai pas, céda sa fille, afin de préserver ces vêtements neufs. Toutefois, jâaimerais me sentir près de lui.
Sa mère posa son bras sur ses épaules, la serra contre elle.
â Viens, nous allons tourner en rond toutes ensemble jusquâen soirée.
Elles hâtèrent le pas vers la boutique. Les premières gouttes de pluie tombèrent au moment où elles sâengouffraient à lâintérieur.
â Vous nâallez pas me laisser dehors, jâespère.
La voix venait de Paul Dubuc. La marchande lâaccueillit dâun sourire.
* * *
Finalement, le téléphone sonna passé huit heures trente. Toute la famille descendit ensuite pour se poster au rez-de-chaussée du commerce. Même Gertrude, peu encline à se risquer dans les escaliers les jours où le mauvais temps rendait sa jambe douloureuse, se joignit à eux.
Quand la silhouette se découpa dans la fenêtre de la porte, Marie ouvrit pour se précipiter dehors, dans les bras du grand jeune homme.
â Enfin, tu es là ! réussit-elle à articuler.
Il la serra dans ses grands bras robustes, sâéloigna un peu pour contempler ses traits dans la pénombre du soir.
â Maman⦠tu seras toute mouillée.
La pluie nâavait pas cessé depuis la fin de la messe. Ils entrèrent, ce fut au tour de Thalie de se perdre dans sa longue étreinte.
â Maintenant, vas-tu rester avec nous?
â Je ne serai libéré que dans trois jours. Nous allons parader encore. Mercredi matin cependant, je vais ranger cet habit affreux pour toujours.
Le jeune homme parlait de son uniforme. De sa sÅur, il passa dans les bras de la vieille domestique en sanglots. Françoise se tenait un peu à lâécart, aux côtés de son père, convaincue dâêtre de trop en ces lieux.
Mathieu commença par tendre la main au député.
â Je suis, moi aussi, tellement heureux de te revoir en bonne santé, déclara ce dernier. Tu as toute mon admiration.
â Nous demeurerons les meilleurs amis du monde à une condition : ne faites aucun discours à la gloire des valeureux combattants. Jamais.
â Câest juré⦠Jamais devant toi.
Le politicien ne pourrait éviter de multiplier les discours patriotiques à lâintention des vétérans du comté de Rivière-du-Loup, au cours des dix prochaines années.
Mathieu sâarrêta devant Françoise, demeura un long moment silencieux.
â Bonsoir, articula-t-il enfin.
Elle demeura muette, les joues en feu.
â Nous allons monter, décréta Marie. Nous vous attendons là -haut.
Les jeunes gens demeurèrent immobiles, les yeux dans les yeux. Quand les jambes de Gertrude disparurent de lâescalier, elle sortit de son mutisme.
â Bonsoir, murmura-t-elle enfin. Je suis si heureuse et si soulagée de te revoir enfin.
â Alors, viens aussi mouiller ta robe.
Elle écrasa son corps contre le sien, se laissa envelopper dans ses grands bras.
â Je te demande pardon, mais je nâen pouvais plus dâattendre.
â Je te demande pardon de tâavoir laissée seule.
Elle se dégagea de son étreinte, mais conserva ses mains bien à plat sur sa poitrine.
â Je ne sais plus où jâen suis.
â En vérité, moi non plus. Nous examinerons cela ensemble dans quelques jours.
Rassurée de retrouver sa gentillesse, elle hocha la tête.
â Nous allons monter, déclara le militaire, sinon lâune dâentre elles va descendre pour nous y forcer.
â Je parierais pour Gertrude, glissa Françoise. Et celle-là me jetterait bien volontiers à la rue.
â Nous allons travailler tous les deux à la faire revenir à de meilleurs sentiments.
Ils montèrent les escaliers en se tenant par la main. à ce moment, aucun des deux ne savait si leur émotion réciproque tenait à la nostalgie de leurs premiers émois ou aux promesses dâun futur commun.
Quelques mots sur la grippe espagnole
Dâabord, pourquoi parle-t-on de grippe « espagnole »? La maladie semble dâabord être apparue en Chine et lâune des explications de son origine mentionne la mutation dâun virus affectant les volailles. Cette hypothèse et certaines autres informations données ci-après viennent de
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